mercredi 8 août 2007

George Bush, théologien ;o))

Tiré de

ÉTATS-UNISGeorge Bush, biographe éclairé de Mahomet
De la célèbre famille américaine on connaissait déjà le père et fils, mais pas encore l’ancêtre du même nom. Et, surprise, ce George-là était un théologien et universitaire progressiste.
Daguerréotype de George Bush
Bibliothèque du Congrès
L’ennui, avec les ancêtres, c’est qu’on ne peut pas contrôler leur vie. Les aïeux des présidents sont particulièrement rebelles parce qu’ils sont innombrables, très faciles à retrouver, et qu’ils agissent souvent de manière inconvenante eu égard au rang de leurs descendants.
Prenez par exemple, George Bush. Je veux parler de George Bush (1796-1859), le cousin germain de l’arrière-arrière-arrière-grand-père du président. Difficile de trouver un ancêtre plus inattendu. George Bush Ier n’était pas exactement la brebis galeuse de la famille, ainsi que notre actuel président aime à se définir. Il était au contraire très distingué. Qui plus est, le Pr George Bush était un véritable intellectuel new-yorkais. Pis, cet amateur de religions était plutôt considéré comme un progressiste. Et, de surcroît, ce journaliste et universitaire était un passionné du Moyen-Orient.
A une époque, ce George Bush, sans le W., était le membre le plus célèbre de sa famille. Enfant, c’était un vrai rat de bibliothèque et sa boulimie livresque inquiétait même ses parents. Plus tard, il devint pasteur, mais son goût pour la controverse écourta sa carrière. En 1831, il s’installa à New York, dont la réputation de ville dépravée ne faisait que commencer, et il y trouva un emploi comme professeur d’hébreu et de langues orientales dans ce qui est devenu aujourd’hui l’Université de New York. La même année, il publia son premier livre, La Vie de Mahomet, la toute première biographie du fondateur de l’islam écrite par un Américain.
Ne serait-ce que pour cette raison, cet ouvrage mérite toute notre attention. Mais le livre est également un florilège de commentaires passionnés sur le Prophète et son époque. Les opinions exprimées par l’auteur sont pour la plupart négatives, tout comme l’ensemble de sa prose sur les autres religions. Bush appelle souvent Mahomet “l’imposteur” et le compare à un charlatan accompli qui a réussi à éblouir d’une “illusion parfaite” ses coreligionnaires. Mais il ne ménage pas non plus ses critiques envers l’état “désastreux” du christianisme de l’époque de Mahomet. Au fil des pages, Bush l’ancien révèle son érudition et sa passion pour le Moyen-Orient, dont la géographie, les habitants et la théologie semblent avoir trouvé un écho chez lui. Malgré sa sévérité envers le Prophète, il était fasciné par l’histoire de cet “homme remarquable, doué d’un “charisme irrésistible” et d’une puissance visionnaire.

Étonnant : le Moyen-Orient a autorisé l’ouvrage

Cet ouvrage était épuisé depuis un siècle et faillit le rester pour l’éternité. Mais, au tout début du XXIe siècle, un petit éditeur a choisi de le rééditer. L’homonymie historique était trop belle. Comme on pouvait le prévoir, cet ouvrage a provoqué l’ire de certains lecteurs au Moyen-Orient, région où la colère est une matière première abondante. En 2004, les censeurs égyptiens de l’Académie de recherche islamique Al-Azhar, au Caire, ont qualifié le “livre du grand-père” de George W. Bush d’insulte faite au Prophète. Le département d’Etat américain a alors été contraint de publier un document clarifiant les relations familiales entre les deux hommes. Ce document aurait pu involontairement attiser les flammes de la haine, puisqu’il soulignait que La Vie de Mahomet, au lieu d’assimiler les musulmans à des insectes, à des rats ou à des serpents, les comparait parfois à des sauterelles.
Tous les éléments étaient alors réunis pour que les théories du complot se propagent au Moyen-Orient comme autant de tempêtes de sable. C’est alors qu’une chose très étrange est arrivée.
Après une relecture attentive de l’ouvrage, en 2005, ces mêmes censeurs sont revenus sur leur décision et ont déclaré son contenu acceptable. Si la passion théologique de George Bush a du mal à trouver grâce aux yeux du public américain, elle lui permet apparemment d’être bien accepté au Moyen-Orient.
Un théologien aussi passionné ne pouvait pas être un ennemi de l’islam. On pourrait même dire qu’il faisait presque partie de la famille.
Les Egyptiens auraient-ils décelé une certaine honorabilité dans cette vie consacrée à la quête de la connaissance ? Après la mort de George Bush, un ami se souvenant de son appartement, au troisième étage d’un immeuble sans ascenseur de Nassau Street, le décrivait comme “une sorte de Gibraltar littéraire” où trônait le professeur entouré de piles de livres rares.
Tout cela paraît tellement improbable. George Bush, un rat de bibliothèque ? Dans un immeuble délabré ? Pour les mystiques, cette histoire est sans doute la preuve que les voies du Seigneur sont impénétrables. Mais, comme ne l’ignorait pas le premier George Bush, les religions, tout comme les familles, regorgent de contradictions. Et, comme l’a découvert l’actuel George Bush, il n’y a pas meilleur endroit que la Terre sainte pour en débrouiller l’écheveau.
* Ted Widmer est directeur de la bibliothèque John Carter Brown à l’université Brown (Rhode Island).
Ted Widmer*
The New York Times

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