mercredi 22 juin 2011

Vive la pénalisation des drogues ...

Alors que pendant des millénaires, seule la feuille de coca était mâchée et vénérée, dorénavant entre capitalisme et prohibition, voilà où sombrent les fils des Incas ...

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Au Brésil, pire que le crack : l'oxidado

Oxi ? Ces trois lettres désignent le nouveau fléau du Brésil. Une drogue pire que toutes les autres, beaucoup plus destructrice encore que le crack. Un stupéfiant si vénéneux qu'il rend ses victimes dépendantes dès la première fois qu'ils en usent, et qu'il en tue trois sur dix dès la première année d'accoutumance.

Oxi est le diminutif d'oxidado : "rouillé", en portugais. Comme le crack, l'oxi est un dérivé de la cocaïne base, mais en contient deux fois plus ; comme lui, il a l'apparence d'un petit caillou jaunâtre et se "fume" dans une pipe à air, l'usager inhalant ses vapeurs.

Seule la consommation de ces deux drogues cousines et de même apparence permet de les distinguer : la fumée du crack est blanche, celle de l'oxi, plus grise ; l'un laisse des cendres, l'autre une substance huileuse.

Le crack, c'est de la coke dissoute dans du bicarbonate de soude, de l'éther ou de l'ammoniaque. L'oxi, c'est de la coke oxydée avec de la chaux vierge, et un dérivé du pétrole : kérosène, essence ou diesel.

L'oxi a été décelée pour la première fois en 2003 dans l'Etat d'Acre, frontalier de la Bolivie. Elle avait alors la faveur des plus pauvres - notamment des jeunes chômeurs - et des adeptes mystiques de l'ayahuasca, un breuvage hallucinogène amazonien.

Depuis, l'oxi s'est répandue dans le nord du Brésil avant de faire, cette année, son apparition dans les grandes villes du sud, en particulier Sao Paulo. La police en saisit, chaque semaine ou presque. Elle est maintenant consommée dans tous les milieux sociaux.

L'"atout" de l'oxi, c'est qu'elle est très bon marché : cinq fois moins chère en moyenne (2 réis, soit 0,90 centime d'euro le caillou) que le crack. A Cracolândia, le quartier des drogués - en majorité des sans-abri - de Sao Paulo, on l'appelle tout simplement "la pierre à 2 réis".

Les solvants utilisés dans la fabrication du crack sont en vente surveillée. Concocter ce stupéfiant exige une manipulation dans un petit labo improvisé, fût-ce une cuisine. Rien de tel pour l'oxi, qu'on peut préparer dans une simple poêle, au fond de la moindre arrière-cour.

L'apparence quasi identique des deux stupéfiants a longtemps abusé la police. En mars, à Sao Paulo, après avoir saisi 60 kg de "cailloux", elle découvre par hasard qu'il s'agit d'oxi, et non de crack, en faisant brûler quelques pierres lors d'une démonstration devant de jeunes recrues. Les drogués se méprennent, eux aussi, achetant sans le savoir de l'oxi dans les points de vente traditionnels du crack.

Une fois leur pipe allumée, le doute n'est plus permis. Dès la première bouffée, qui agit sur le cerveau en quelques secondes, l'"effet oxi" est foudroyant, et l'addiction souvent immédiate. "J'ai cru avaler un poison, j'ai eu peur de mourir", confiait Pedro, 27 ans, à l'hebdomadaire Epoca.

Les dégâts physiques et mentaux surgissent rapidement : maux de tête, vomissements, diarrhées ; abattement, angoisses, paranoïa. "J'entendais des voix, comme si le diable me parlait", raconte André, un malade en cure de désintoxication. Les dentistes ont été les premiers à donner l'alerte, en découvrant avec effroi les nécroses qui envahissaient les bouches de leurs jeunes patients.

Plus encore qu'avec les autres drogues, les victimes de l'oxi sont prêtes à tout pour s'en procurer. André a vendu jusqu'au dernier bien avant d'accepter de se soigner. La rue Helvetia, au coeur de Cracolândia, est un lieu de troc permanent pour une centaine de drogués, qui négocient un peu de tout, en échange de "cailloux à 2 réis" : vieilles chaussures, vêtements usagés, matériel électroménager, ou simples tickets de bus.

Après trois jours au maximum en état de manque, l'"oxicomane" devient très agressif. Augusto, 25 ans, Irivan, 25 ans, Jonas, 40 ans - qui tous se soignent aujourd'hui - racontent l'inéluctable naufrage de la dépendance : disputes familiales, pertes d'emploi, vols, agressions. Et au pire : assassinats, suicides. "Huit homicides sur dix sont liés aux stupéfiants", constate Wilson Martins, gouverneur de l'Etat du Piaui, au nord du Brésil. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle l'oxi "la drogue de la mort".

L'Etat d'Acre, en Amazonie, fut le premier affecté par l'oxi. Dans les vieux quartiers du centre de Rio Branco, sa capitale, les gamines droguées se prostituent dès l'âge de 8 ans, rapporte un chercheur local, Alvaro Augusto Andrade Mendes. Faute de drogue, les enfants se préparent un "thé" avec le liquide des piles alcalines. En forêt, les villages indiens ne sont pas épargnés par l'oxi et la merla, autre dérivé de la coke.

La police craint qu'à terme l'oxi prenne la place du crack. L'organisation du trafic en serait modifiée, compliquant ainsi la répression. Produite de façon artisanale, commercialisée en petites quantités, la nouvelle drogue circule en dehors des réseaux de vente traditionnels.

A Rio Branco, des petits trafiquants vont chercher la cocaïne base à la frontière et fabriquent l'oxi dans des maisons abandonnées ou dans la forêt. Pour être efficace, la police devra se montrer beaucoup plus présente sur le terrain. Faute de quoi, les volutes grises de l'oxi propageront de plus en plus la servitude et la mort.


langellier@lemonde.fr

Jean-Pierre Langellier

mardi 21 juin 2011

Cannabis : dépénalisation ou légalisation contrôlée ?

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Cannabis : dépénalisation ou légalisation contrôlée ?


Les députés PS veulent être un exemple en matière de tolérance. Pourtant, ils encadreraient de très près l'industrie de cette drogue, en contrôlant la production, la distribution, et même la consommation. Est-ce le début des coffee shops en France ?
Sélectionné et édité par Amandine Schmitt

Faut-il dépénaliser le cannabis ou non ? C'est typiquement un débat de société puisque, sur l'échiquier politique, il oppose sur des critères peu politiciens, même si à gauche on est divisé. Mais qu'un ancien ministre de l'Intérieur comme Daniel Vaillant ait relancé le débat donne brusquement une nouvelle importance à ce sujet récurrent.

CannabisPhoto Alexodus


Claude Guéant, son plus récent successeur, y est évidemment hostile, incapable de faire le bilan des échecs constants contre le trafic. Car lorsque dans des cités un jeune guetteur, le moins gradé dans la hiérarchie des dealers, peut à lui seul faire vivre toute une famille, comment notre ministre, à moins de régler d'un coup de baguette magique le chômage de masse dans les grands ensembles, ne peut-il pas reconnaître que la lutte contre le trafic est un échec ?

"La loi est inadaptée, et son autorité bafouée"

Comme le note Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, ville gangrenée par le trafic de cannabis : "la loi est inadaptée, et son autorité bafouée, elle est inapplicable par ceux qui en ont pourtant la charge". Dans un rapport publié le 2 juin par la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy), une kyrielle de personnalités, dont d'anciens présidents latino-américains, estiment que le combat mondial contre la drogue a échoué et que le seul recours est désormais la dépénalisation du cannabis.

Regardez même où en sont arrivés les trafiquants d'Amérique du sud, utilisant sous-marins et hélicos de combat. Chez nous aussi, toute proportion gardée, plus on augmente les moyens, plus, en réponse, la violence se développe. Partant du constat que la France conserve une des législations les plus répressives d'Europe alors que le niveau de consommation est l'un des plus forts, les députés socialistes font valoir qu'une "légalisation contrôlée" pour les personnes majeures permettrait, "grâce à l'encadrement de la production et de la distribution", d'"instaurer une politique de réduction des risques".

Quatre millions de personnes ont consommé du cannabis en 2005


Les députés PS préconisent la création d'une filière nationale du cannabis qui organiserait et gèrerait la production et la distribution de cette drogue, à l'image de ce qui est fait pour le tabac et l'alcool. "Il convient que l'État soit en mesure de fournir cette substance, sous forme de résine ou d'herbe, à l'ensemble des consommateurs", indique le rapport, en préconisant la mise en culture de 53.000 hectares "selon des règles strictes pour garantir la qualité des produits".

L'État devra aussi contrôler la distribution "tout en interdisant la publicité et la vente aux mineurs". En dépit de la politique de prohibition menée depuis 1970 à l'égard du cannabis, près de 4 millions de personnes avaient, en 2005, consommé de cette drogue au moins une fois dans l'année. 1,2 million de personnes seraient des consommateurs réguliers.


Légaliser de manière contrôlée

Certes Claude Guéant n'a pas tort de souligner que les Pays-Bas, "nation emblématique s'il en est de la politique dite de 'tolérance'", modifient leur approche : restriction drastique de l'accès aux coffee shops désormais interdits aux non-résidents, disparition progressive de la distinction entre drogue dure et drogue douce...

C'est qu'il ne s'agit pas de "dépénaliser" mais de légaliser de manière contrôlée. Deux types d'établissements sont prévus à l'usage des consommateurs majeurs : les premiers uniquement consacrés à la vente, sur le mode des débits de tabac, les seconds, vus comme des "lieux de sociabilité", autorisant vente et consommation. "La vente d'alcool y serait strictement interdite", note le rapport. D'autant qu'avec ces taxes l'État pourrait faire plein de choses. Mais notre gouvernement préfère opérer des coupures de budget.

Les effets négatifs de la prohibition aux USA

Les effets négatifs de la prohibition aux USA des années 20 au début des années 30 sont connus : la demande existant toujours, c'est une offre illégale qui la satisfait. Ainsi se développe la contrebande. Cette dernière met sur le marché des produits de remplacement, souvent frelatés, conséquence logique de l'illégalité de ce commerce.

En effet, refoulée dans la clandestinité, la production se fait dans des conditions déplorables, sans hygiène et à la va-vite. La conséquence en est la très mauvaise qualité des boissons. Mais, ainsi trompés par les vendeurs, les consommateurs n'ont aucun moyen de recours étant donné qu'ils sont eux aussi sous le coup de la loi...

L'autre conséquence, purement économique, du 18e amendement, réside dans l'augmentation très forte des prix. En effet, en raison de l'interdiction du commerce d'alcool, l'offre se réduit. Le nombre de personnes prêtes à se risquer à exercer des actes délictueux n'est pas élevé, en effet. Or, la demande, elle, reste la même. La réaction sur le marché est donc logique : la demande étant supérieure à l'offre, les prix évoluent à la hausse.

C'est exactement ce qui se passe avec le cannabis en France ou les produits présents sur le marché sont de plus en plus de mauvaise qualité et ils ne sont pas moins consommés qu'avant. Daniel Vaillant qui n'a rien à perdre, sa carrière politique étant en bout de course n'a pas tort de demander de "sortir de l'hypocrisie", même plusieurs jeunes loups du PS qui ont devant eux un avenir politique ne veulent pas risquer l'impopularité alors qu'ils ont fait de la sécurité l'un de leurs chevaux de bataille.

Auteur parrainé par Aude Baron



Et comme vous avez tout lu jusqu'au bout, vous avez le droit à une petite vidéo ;o))







Durée : 31:00 | Images : Universcience.tv