samedi 20 mars 2010

Les cultivateurs en herbe sont en pétard

Mais où est la logique sous-jacente ?

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Traqués par la police, les petits producteurs de cannabis néerlandais sont en voie de disparition. Résultat : la qualité de l’herbe baisse et les coffee shops sont obligés de s’approvisionner auprès des grands dealers.

On ne les voit ou on ne les entend quasiment plus, mais ils existent toujours, ces petits cultivateurs qui chouchoutent leurs petits pieds de cannabis à domicile. Ils le font pour leur propre consommation, pour approvisionner leurs proches en cannabis médicinal ou pour le vendre aux coffee shops. Et ils se sentent de plus en plus menacés.

Depuis 2004 en effet, la police et la justice néerlandaises les chassent vigoureusement. "Ce sont surtout eux qui se font prendre", explique Nicole Maalsté, sociologue à l’Université de Tilburg. "Pour la police, il est plus facile d'organiser une descente dans un quartier populaire. Mais les grands dealers restent généralement hors d’atteinte. Pour les arrêter, il faudrait enquêter plus longuement." D’après elle, la criminalité organisée profite de ces interventions policières plus vigoureuses. "Au fur et à mesure que les petits cultivateurs sont chassés du marché, les durs remplissent ce vide. Les coffee shops sont poussés vers des individus avec lesquels ils n’auraient jamais voulu travailler."

Les petits cultivateurs et leur cannabis bio devraient être choyés

Un fonctionnaire municipal de 36 ans (qui souhaite rester anonyme) qui réside dans le quartier populaire de Woensel-West, à Eindhoven, et qui cultive du cannabis dans son grenier, ne se considère pas du tout comme un criminel : "Mon amie et moi cultivons pour notre propre consommation. Ce qu’ils vendent dans les coffee shops est cher et de qualité de plus en plus médiocre. Ils y ajoutent des produits chimiques ou l’alourdissent avec de la poudre de verre ou de métaux."

Dans son grenier, deux armoires contiennent chacune cinq pieds de cannabis éclairés par de fortes lampes. Le fonctionnaire affirme qu’il respecte les règles de la politique dite "de tolérance" : sa copine et lui possèdent chacun cinq pieds de cannabis [la culture est interdite mais pénalisée seulement à partir de six pieds]. Mais lorsqu’on cultive à partir de semences, il faut en semer au moins le double car seules les graines femelles fleurissent. Il y a un an et demi, il a eu la visite de deux agents de police tuyautés par un voisin. Les policiers se sont montrés compréhensifs.

Un autre cultivateur, Kees (40 ans), habitant de la ville de Huizen, a été moins chanceux : "Je n’ai pas réussi à faire comprendre au policier que pour avoir cinq plantes, il en faut dans un premier temps bien plus. Ils ont tout détruit." Kees cultive du "cannabis de qualité, 100% biologique". Ce qu'il ne consomme pas, il le vend aux coffee shops - entre 2 700 et 3 400 euros le kilo, selon la qualité et le coffee shop.

La sociologue Nicole Maalsté, mais aussi de nombreux maires, souhaitent que l’approvisionnement des coffee shops auprès de petits cultivateurs contrôlés soit dépénalisé [les coffee shops peuvent vendre jusqu’a 5 grammes de cannabis par client, mais n’ont pas le droit de s’approvisionner, pas même auprès des petits cultivateurs]. Elle voudrait que la police fasse surtout la chasse aux grands criminels : "Les petits cultivateurs, qui sont le socle de la politique néerlandaise de tolérance, devraient être choyés. Ils cultivent de la bonne herbe, généralement dépourvue d’additifs. La qualité est clairement supérieure à ce que les grands produisent en gros et à ce qui envahit de plus en plus les rayons."
Peter de Graaf

vendredi 12 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

La fin programmée des services publics ...

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Tensions et asphyxie au quotidien pour les agents de la CAF

SOCIAL - L'état des lieux que font les acteurs des différentes CAF confirme ce que dénonce le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)...

Malaise à la CAF. Les 123 Caisses d’Allocations Familiales sont en état d’asphyxie, et risquent même l’«implosion», si l’on en croit Jean-Louis Deroussen. Mais le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) n’est pas le seul à dénoncer les difficultés auxquelles doivent faire face les agents sur le terrain. Ces derniers en font même un état des lieux encore plus alarmant.

>> Retrouvez l'interview de Jean-Louis Deroussen par ici

«Je travaille à la CAF depuis 1966 et je n’ai jamais vu un bazar pareil, et pourtant on en a connu des situations difficiles. Il y a une inadéquation totale entre la charge de travail et les effectifs», raconte Jean-Claude Chériki, secrétaire général FO-organismes sociaux. Un déséquilibre qui ne date pas d’hier: «Ca fait trois ans que la situation se dégrade et que tous les syndicats demandent une hausse des effectifs», sans être entendus. Yannis, secrétaire de section CFTC à la CAF des Bouches-du-Rhône confirme: «L’an dernier, en mars, nous avons fait grève une semaine pour obtenir que les départs à la retraite soient remplacés. On avait obtenu gain de cause mais avec la crise et les économies exigées par l’Etat, l’engagement n’a pas été tenu.»
Afflux constant de demandes

Certes, 1.200 personnes ont été embauchées lors de la mise en place du Revenu de solidarité active (RSA), et la Cnaf recrute actuellement 400 CDD supplémentaires, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan: Jean-Louis Deroussen estime qu’il faudrait «1.000 personnes de plus sur six mois». Car de nouvelles missions vont échoir à la CAF: déclaration trimestrielle de ressources des bénéficiaires de l’AAH, RSA jeune, extension du RSA dans les DOM, gestion de l’accès à la CMU, et mise en place des actions de prévention des expulsions locatives.

Mais, même sans compter ces nouvelles tâches, l’afflux constant de dossiers empêche les CAF de remplir leurs obligations de service: appels téléphoniques, demandes de minima sociaux et courrier ne sont pas traités, et le retard s’accumule. «En janvier 2009, on avait 69,90% des appels aboutis, c’est à dire que l’allocataire avait quelqu’un au bout du fil. En janvier 2010 on est tombé à 40,50%. Et, au niveau des pièces à traiter, le dernier chiffre de la direction, qui date de ce jeudi matin, s’élève à 197.000 à la CAF 93», indique Jean-Claude Chériki. Un retard de 17 jours pour les dossiers prioritaires (dossiers de minima sociaux), mais d’au moins 2 mois et demi pour les autres, selon le syndicaliste.
Agressivité

Pour les personnels, cette charge de travail ingérable, génère stress et pénibilité. Et, pour les allocataires, c’est l’horreur. «À l’antenne de Saint-Denis La Tour Pleyel on a des fois 200m de queue. L’autre jour, j’ai demandé à un allocataire à quelle heure il était arrivé. Il m’a répondu 4h30!» Une réalité qui agace Jean-Louis Deroussen: «Le temps d’attente au guichet, qui ne doit pas excéder 20 minutes, est à ce jour en moyenne, à Bobigny, de 4 heures!»

Forcément, l’agressivité et les incivilités deviennent monnaie courante. «C’est logique, les gens ont besoin des allocations pour vivre. A Aix-en-Provence, un agent a été giflé, et un autre insulté, alors que ce secteur n’est habituellement pas propice aux incivilités», détaille Yannis. Pourtant, si l’on en croit la CAF des Bouches-du-Rhône, la région serait «moins touchée», aussi bien par les incivilités que par les retards: 92% des dossiers seraient traités en moins de 10 jours sur le secteur, et seulement 50.000 dossiers seraient en stock, le temps de traitement s’élevant à environ 6 jours et demi.

Un rêve pour une majorité d’agents et de directeurs. Ces derniers ayant souvent recours aux heures supplémentaires obligatoires et aux fermetures de caisse pour rattraper le retard, et tenter de baisser le niveau de stress qui pèse sur les épaules de leurs agents. Pour Jean-Louis Deroussen, «ce n’est pas une solution, et cela donne une très mauvaise image du service public. Il nous faut plus de moyens, et ne pas attendre que les choses s’enveniment».

Bérénice Dubuc