jeudi 11 mars 2010

La fin programmée des services publics ...

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Tensions et asphyxie au quotidien pour les agents de la CAF

SOCIAL - L'état des lieux que font les acteurs des différentes CAF confirme ce que dénonce le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)...

Malaise à la CAF. Les 123 Caisses d’Allocations Familiales sont en état d’asphyxie, et risquent même l’«implosion», si l’on en croit Jean-Louis Deroussen. Mais le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) n’est pas le seul à dénoncer les difficultés auxquelles doivent faire face les agents sur le terrain. Ces derniers en font même un état des lieux encore plus alarmant.

>> Retrouvez l'interview de Jean-Louis Deroussen par ici

«Je travaille à la CAF depuis 1966 et je n’ai jamais vu un bazar pareil, et pourtant on en a connu des situations difficiles. Il y a une inadéquation totale entre la charge de travail et les effectifs», raconte Jean-Claude Chériki, secrétaire général FO-organismes sociaux. Un déséquilibre qui ne date pas d’hier: «Ca fait trois ans que la situation se dégrade et que tous les syndicats demandent une hausse des effectifs», sans être entendus. Yannis, secrétaire de section CFTC à la CAF des Bouches-du-Rhône confirme: «L’an dernier, en mars, nous avons fait grève une semaine pour obtenir que les départs à la retraite soient remplacés. On avait obtenu gain de cause mais avec la crise et les économies exigées par l’Etat, l’engagement n’a pas été tenu.»
Afflux constant de demandes

Certes, 1.200 personnes ont été embauchées lors de la mise en place du Revenu de solidarité active (RSA), et la Cnaf recrute actuellement 400 CDD supplémentaires, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan: Jean-Louis Deroussen estime qu’il faudrait «1.000 personnes de plus sur six mois». Car de nouvelles missions vont échoir à la CAF: déclaration trimestrielle de ressources des bénéficiaires de l’AAH, RSA jeune, extension du RSA dans les DOM, gestion de l’accès à la CMU, et mise en place des actions de prévention des expulsions locatives.

Mais, même sans compter ces nouvelles tâches, l’afflux constant de dossiers empêche les CAF de remplir leurs obligations de service: appels téléphoniques, demandes de minima sociaux et courrier ne sont pas traités, et le retard s’accumule. «En janvier 2009, on avait 69,90% des appels aboutis, c’est à dire que l’allocataire avait quelqu’un au bout du fil. En janvier 2010 on est tombé à 40,50%. Et, au niveau des pièces à traiter, le dernier chiffre de la direction, qui date de ce jeudi matin, s’élève à 197.000 à la CAF 93», indique Jean-Claude Chériki. Un retard de 17 jours pour les dossiers prioritaires (dossiers de minima sociaux), mais d’au moins 2 mois et demi pour les autres, selon le syndicaliste.
Agressivité

Pour les personnels, cette charge de travail ingérable, génère stress et pénibilité. Et, pour les allocataires, c’est l’horreur. «À l’antenne de Saint-Denis La Tour Pleyel on a des fois 200m de queue. L’autre jour, j’ai demandé à un allocataire à quelle heure il était arrivé. Il m’a répondu 4h30!» Une réalité qui agace Jean-Louis Deroussen: «Le temps d’attente au guichet, qui ne doit pas excéder 20 minutes, est à ce jour en moyenne, à Bobigny, de 4 heures!»

Forcément, l’agressivité et les incivilités deviennent monnaie courante. «C’est logique, les gens ont besoin des allocations pour vivre. A Aix-en-Provence, un agent a été giflé, et un autre insulté, alors que ce secteur n’est habituellement pas propice aux incivilités», détaille Yannis. Pourtant, si l’on en croit la CAF des Bouches-du-Rhône, la région serait «moins touchée», aussi bien par les incivilités que par les retards: 92% des dossiers seraient traités en moins de 10 jours sur le secteur, et seulement 50.000 dossiers seraient en stock, le temps de traitement s’élevant à environ 6 jours et demi.

Un rêve pour une majorité d’agents et de directeurs. Ces derniers ayant souvent recours aux heures supplémentaires obligatoires et aux fermetures de caisse pour rattraper le retard, et tenter de baisser le niveau de stress qui pèse sur les épaules de leurs agents. Pour Jean-Louis Deroussen, «ce n’est pas une solution, et cela donne une très mauvaise image du service public. Il nous faut plus de moyens, et ne pas attendre que les choses s’enveniment».

Bérénice Dubuc

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