INDE • Des prostituées prennent la plume | |||||||||
Red Light Despatch est le premier mensuel indien fait par et pour les prostituées. Le journal donne la parole à des femmes souvent ostracisées. Une formule qui marche. | |||||||||
Cela pourrait n'être qu'une publication parmi d'autres dans l'industrie florissante de la presse indienne, à un détail près. La plupart des journalistes sont d'anciennes prostituées et la rédaction se situe à l'intérieur d'un bordel. Le tout nouveau Red Light Despatch est le premier mensuel indien fait par et pour les travailleuses du sexe. Lancé il y a six mois à grand renfort de publicité, Despatch propose un regard sur les travailleuses du sexe d'Asie du Sud, ainsi que des témoignages directs d'actes de torture et de harcèlement. Les textes pleins d'émotion, les poèmes, les essais et les articles de couverture parlent des risques sanitaires (en particulier le VIH), des droits et des expériences personnelles des prostituées, notamment les souvenirs de celles qui ont été vendues alors qu'elles n'étaient encore que des enfants. Despatch offre un regard sans tabou sur la vie des principaux bordels indiens, sur la face sombre des maquereaux, les comportements abusifs des clients et les rêves brisés des filles. Les journalistes, généralement d'anciennes prostituées ou certains de leurs proches, soumettent leurs articles après avoir visité les bordels de villes comme Bombay, Calcutta et New Delhi. "Sur des dizaines d'histoires, nous choisissons les meilleures et nous les publions, explique Rupa Metgudd, responsable de l'information du mensuel et fille d'une ancienne prostituée. Notre magazine n'est pas une publication comme les autres. C'est du journalisme engagé." Une prostituée reconvertie en journaliste ajoute : "Les filles nous racontent leur histoire et nous les relayons ici. C'est facile pour nous de faire de bons papiers parce qu'elles nous considèrent comme des égales." A l'origine du magazine se trouve le journaliste Anurag Chaturvedi, chargé de peaufiner le nouveau Despatch et de former cette rédaction féminine. Egalement membre d'Apne Aap, l'ONG qui finance le mensuel, Chaturvedi explique que l'objectif du journal est d'être la voix des travailleuses du sexe. "C'est pour cela que nous préférons que les filles écrivent et éditent elles-mêmes le journal", dit-il. Selon Metgudd, l'autre objectif, plus large, est de dénoncer l'exploitation des filles par les proxénètes et les scélérats qui peuplent les bordels ainsi que d'aider les femmes à abandonner le métier. "Ce magazine est une tribune pour donner la place à la nostalgie et aux rêves des prostituées et un moyen de détourner leurs enfants de ce monde", explique Chaturvedi. Le journal, tiré à près de 1 000 exemplaires en hindi et en anglais, est distribué gratuitement auprès des prostituées et des habitants des quartiers chauds. Publié sans photographie et dépourvu de tout glamour, le mensuel parvient néanmoins à faire passer son message auprès de la communauté. "C'est un exutoire pour les prostituées, qui peuvent partager leurs pensées les plus intimes avec le lecteur, commente Anita Khude, bénévole de la santé en contact avec le magazine. Ce journal est fait pour elles et parle d'elles." Après le succès rencontré par cette formule, plusieurs projets pour offrir des versions en d'autres langues sont à l'étude [plus de 100 langues sont parlées en Inde]. Un prochain numéro devrait raconter l'histoire d'un homme "normal" - un vendeur de rue – qui a combattu les préjugés et épousé une ancienne fille publique dont il était tombé amoureux. "Nous n'avons pas beaucoup de moyens mais nous versons tout de même à nos journalistes une somme symbolique pour leur montrer qu'elles peuvent gagner leur vie de manière respectable, qu'elles peuvent se faire de l'argent autrement. Cela apporte de nouvelles perspectives à leur triste existence", ajoute Chaturvedi. Bien qu'illégale en Inde, la prostitution est une industrie en pleine expansion qui "emploie" à temps plein près de 2 millions de femmes. | |||||||||
Neeta Lal Asia Sentinel | |||||||||
mardi 7 août 2007
Filles de joie ou femmes de lettre ?
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