dimanche 26 août 2007

Analyse intéressante de la situation française

Tiré de

CENT JOURS EN SARKOZIELe président ne leur ressemble pas, mais les Français en redemandent
Claude Ansermoz, le correspondant à Paris du quotidien suisse 24 Heures décrit le président Nicolas Sarkozy comme un "Sylvester Stallone lyophilisé" et lui reproche son style démagogique.
C'était le 6 mai 2007 au soir. Quelques casseurs "de gauche" incendiaient la place de la République. Et le peuple de droite fêtait Nicolas Sarkozy à la Concorde. Une fête sans jouissance qui ne ressemblait en rien aux explosions orgasmiques des victoires de Mitterrand en 1981 ou de Chirac en 1995. Il y avait dans l'air et dans les rues comme une sorte de résignation teintée d'espoir. Le nouveau président avait promis de la sueur et du travail. Lui-même bosserait et suinterait comme personne. On allait cravacher pour sortir la France de sa léthargie et cela n'allait forcément pas plaire à tout le monde. Les Français avaient choisi de voter pour cette "rupture". Il ne fallait tout de même pas leur demander de se réjouir de travailler plus, même si c'était pour gagner plus.

Cent jours plus tard, c'est la rentrée. Mais, même pendant les vacances, Nicolas Sarkozy a pris l'actualité politique française en otage. Depuis sa villégiature de Wolfeboro, il a envoyé seize communiqués de presse pour bien montrer qu'il avait un avis sur tout et que, bien sûr, il s'occupait de tout. Pourtant, personne aujourd'hui ne sait mieux qu'hier qui est véritablement Nicolas Sarkozy. Même les biographes qui ont passé des heures avec lui ont du mal à brosser un portrait clair de l'homme. Catherine Nay ( Un pouvoir nommé désir, éd. Grasset) ne voit en lui qu'un Iznogoud qui a réussi ; Yasmina Reza, un éternel enfant triste.

C'est certain, Nicolas Sarkozy n'est pas un président comme les autres. Sa capacité à parler clair et à empoigner les dossiers a convaincu certains des plus dubitatifs. Dans la bouche sarkozienne, un chat est un chat. Alors que dans celle de la plupart des autres politiciens – et surtout dans celle de Ségolène Royal –, les félins sont tous gris. Cette franchise dépouillée de mots ronflants a indéniablement une force séductrice. A défaut de résoudre tous les problèmes, il s'en empare. Du coup, certains socialistes sont passés de son côté. L'ouverture, cela s'appelle.

Et puis ceux qui auguraient rapidement du pire se sont trompés : la France n'est pas dans la rue. Dans ce pays, cela tient presque du miracle. Toujours pas de grèves, toujours pas de manifestations monstres. Pire, pour ses détracteurs, la cote de popularité du président, même si elle fléchit légèrement ces derniers jours (de 65 à 61 %), est en forme olympique. Même ses séjours luxueux et son rapport décomplexé à l'argent n'ont pas choqué l'opinion. Ni même les comportements autistes de la première dame de France, Cécilia.

Sur les clichés, ce Sylvester Stallone lyophilisé court comme Bip Bip. Une icône que Paris Match, qui appartient à son ami Arnaud Lagardère, a retouchée pour qu'aucun bourrelet n'apparaisse quand le président pagaie avec son fils. Il ne leur ressemble pas, mais les Français en redemandent, de cette image de winner, fût-elle trafiquée. Et le retour de la France dans la cour des grands de la diplomatie achève de redonner à nos voisins une fierté qu'on pensait oubliée.

Mais le coq Sarkozy est surtout un solitaire qui veut les pleins pouvoirs. Il a dépouillé son Premier ministre et son gouvernement de toute responsabilité. Se privant ainsi du fusible indispensable aux inévitables premiers échecs, il ne peut pas mettre ses revers initiaux sur le dos des autres. Contraint d'assumer seul, il s'énerve. Contre cette croissance trop faible due à des facteurs macroéconomiques qui dépassent les frontières de la France. C'est donc la faute à l'euro fort et à la Banque centrale européenne. Contre le Conseil constitutionnel, présidé par le chiraquien Jean-Louis Debré, qui invalide certains des cadeaux fiscaux qu'il avait promis. Et qui invalidera les lois antipédophiles qu'il entend encore mettre en œuvre, surfant à la va-vite sur l'émotion d'un fait divers tragique. La castration chimique obligatoire et l'enfermement à vie des condamnés, fût-ce dans un hôpital, sont contraires à la charte fondamentale.

C'est là où le "y a qu'à" démagogique atteint les limites du système sarkozien. Si personne ne peut reprocher son hyperactivisme à un président de la République, il n'en va pas de même de son hyperproximité. Dès qu'il y a victime, Nicolas Sarkozy se porte, en personne, à son secours. Dans son langage, dans son attitude, il se met dans la peau du Français moyen qui dénonce, la baguette sous le bras, l'inefficacité d'un Etat qu'il représente pourtant.

Ce double béret n'est pas tenable sur le long terme. Il tient même d'une certaine vulgarité. Il manque encore à Nicolas Sarkozy ce qui a fait la marque de tous les grands chefs d'Etat : la hauteur.

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