Les Serbes Karadzic et Mladic auraient été sciemment épargnés
[2007-09-09 11:58]par Thierry Levêque
PARIS (Reuters) - La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie ont sciemment laissé en liberté les dirigeants serbes Radovan Karadzic et Ratko Mladic, poursuivis pour génocide dans le conflit bosniaque (1992-95), affirme une ancienne collaboratrice de Carla Del Ponte dans un livre qui paraît lundi en France.
Ces pays auraient agi ainsi pour éviter qu'un procès ne mette en lumière le fait qu'ils connaissaient avant 1995 les projets du président yougoslave Slobodan Milosevic, instigateur du conflit, mais sont restés inactifs lors des hostilités et ont négocié avec tous les protagonistes, avance dans "Paix et châtiment" Florence Hartmann.
Cette ancienne journaliste du Monde, porte-parole du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, de 2000 à 2006, dit écrire en qualité de témoin direct d'entretiens et réunions stratégiques.
Contacté par Reuters, le bureau de Jacques Chirac a rappelé les engagements publics de l'ex-président à arrêter les fuyards. Le Quai d'Orsay juge les accusations infondées. "La France a apporté, apporte et apportera son soutien politique total à l'action du TPIY", a dit un porte-parole à Reuters.
"Karadzic et Mladic n'ont pas été traduits en justice pour ne pas raviver le souvenir du choix inavouable des grandes démocraties occidentales de sacrifier la population de Srebrenica en l'abandonnant sciemment à ses tortionnaires, puis en privant ses survivants de leurs terres et d'un jugement", écrit Florence Hartmann.
Après les accords de Dayton du 14 décembre 1995, qui ont mis fin au conflit, les grandes puissances auraient très souvent su où se trouvaient Radovan Karadzic et Ratko Mladic.
Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie, et Ratko Mladic, général en chef des forces militaires dans la région, ont été inculpés pour crimes de guerre le 25 juillet 1995 par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPYI). Ils sont accusés d'avoir commandité le massacre de 7.000 à 8.000 Bosniaques en juillet 1995 à Srebrenica.
"KARADZIC SAIT TROP DE CHOSES"
Radovan Karadzic aurait vécu d'abord au grand jour en Bosnie, sous les yeux des forces de l'Otan et avec l'appui financier de Belgrade. Un officier français, Hervé Gourmelon, le rencontrait régulièrement à Pale pour le persuader de se rendre. En mai 1997, son arrestation est débattue entre les grandes puissances mais rien n'est fait.
Florence Hartmann cite Jacques Chirac expliquant en 2000 à Carla del Ponte : "Karadzic n'a pas été arrêté en raison de l'opposition des Russes, Boris Eltsine m'a dit : 'Karadzic sait trop de choses sur Milosevic' et il m'a averti qu'il enverrait un avion pour l'extraire de Bosnie si nécessaire".
Radovan Karadzic est parti en octobre 1997 en Biélorussie "dans un avion militaire affrété par Boris Eltsine", avant de revenir en Bosnie début 1998, écrit l'auteur du livre. En 1999, il a demandé au parquet du TPIY 300.000 marks et une protection en échange de sa reddition, avant de renoncer.
En février 2004, le fuyard a été localisé en Bosnie par le TPIY, qui a transmis l'information à l'Otan. "Quelques heures plus tard, un hélicoptère survole la zone, alertant ainsi Karadzic", écrit Florence Hartmann.
En 2005, un Néerlandais contacte le TPIY. Il dit avoir vu Karadzic le 7 avril à la terrasse d'un café d'une ville bosniaque, Foca. Alertée par le TPIY, les responsables américains de l'Otan, qui officiellement ont perdu sa trace, répondent : "Impossible, il était du 6 au 8 avril à Belgrade".
Les deux fuyards ont sans cesse fait état de promesses d'impunité qui leur auraient été accordées par Paris et Washington pour favoriser les accords de Dayton et obtenir la libération de pilotes militaires français prisonniers en 1995.
Le TPIY a selon Florence Hartmann établi que Ratko Mladic a vécu aussi au grand jour en Bosnie, puis en Serbie à partir de 1997, sortant au restaurant, assistant à des matches de football, étant hospitalisé deux fois sous son nom en 2001 et 2002 à Belgrade, touchant sa retraite de l'Etat serbe.
Le TPIY a connu son adresse exacte et l'a transmise à la CIA, sans jamais obtenir de résultats, souligne l'auteur.
Au procès de Slobodan Milosevic, raconte-t-elle, un magistrat britannique du TPIY, Geoffrey Nice, et des analystes militaires britanniques et américains détachés au TPIY ont demandé l'abandon des charges contre lui sur Srebrenica. Les Etats-Unis ont caché au TPIY des écoutes téléphoniques qui montraient son implication directe, dit Florence Hartmann.
Le mandat de Carla Del Ponte s'achève fin 2007. L'Onu a fixé à 2010 la fermeture du TPIY.
dimanche 9 septembre 2007
Va-t-on connaître le fin fond de l'histoire balkanique ?
Tiré de là
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire