François GROSDIDIER Député de la Moselle Maire de Woippy
Paris, le 28 mars 08
Cher(e) collègue député(e) de la majorité,
« La vérité est que nous avons des doutes sur l’intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM » M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, discours de restitution des conclusions du Grenelle de l’Environnement.
C’est parce que tout mon engagement s’enracine dans la philosophie politique de l’UMP que je suis réservé sur le projet de loi du Gouvernement sur les OGM et opposé au projet tel qu’il a été amendé par le Sénat et sera débattu, mardi, mercredi et jeudi prochains dans l’hémicycle.
Je suis, certainement comme vous, humaniste et aussi conservateur et libéral au sens noble de ces termes.
Humaniste, parce que plaçant la santé humaine et tout ce qui la conditionne, notamment l’alimentation et l’environnement, au-dessus de toute autre considération. Je pense que l’autorité publique doit en être garante.
Conservateur, parce que guidé par la conscience de devoir léguer à nos descendants au minimum ce que nous ont transmis nos ascendants. Plus si nous le pouvons, mais pas moins, sans quoi nous aurons failli.
Libéral, parce qu’attaché à la liberté, condition de l’épanouissement de l’Homme, et à la libre entreprise, condition de la prospérité. Mais la liberté a un corollaire, oublié par la gauche mais aussi parfois par notre famille politique : la responsabilité. Je crois que chacun est maître de son destin et responsable de ses actes. En matière d’environnement et de santé publique, je défends le principe du « pollueur payeur » et m’insurge contre la privatisation des bénéfices et la collectivisation des risques.
Le projet de loi gouvernemental professe ces principes, mais ne les garantit pas. Tel qu’il est amendé par le Sénat et sera discuté la semaine prochaine, il s’en éloigne.
Comme c’est la tradition dans notre famille politique sur tous les sujets éthiques, je revendique la liberté de vote sur ce texte. Comme c’est notre responsabilité, nous devons voter en notre âme et conscience. Nous n’avons pas à l’assumer devant tel ou tel groupe économique, mais devant l’ensemble de nos concitoyens et, plus intimement, demain peut-être, devant nos enfants ou nos petits-enfants.
I. D’abord, devant les doutes scientifiques et les enjeux éthiques, la liberté de vote s’impose.
Je n’ai aucune certitude sur les OGM, sauf une. Nous ne pouvons être certains ni de la nocivité, ni de l’innocuité des OGM, mais seulement de leur irréversibilité.
Bien sûr, tous les OGM ne présentent pas les mêmes risques potentiels et surtout, certains, les OGM médicaments, présentent des avantages qui justifient des prises de risques accrues. Des OGM résistants aux conditions extrêmes pourraient présenter un espoir dans le tiers-monde. Faut-il encore que ceux qui ne peuvent payer les médicaments, puissent payer ces semences. Or, la brevetabilité du vivant va en sens inverse.
Je ne contestons pas ces OGM et je pense au contraire qu’il convient de développer la recherche en ces directions, une recherche française et européenne.
La réalité contestable n’est pas là. Elle est dans les cultures strictement commerciales qui ont quadruplé en France en un an. 99 % des OGM sont cultivés pour produire eux-mêmes ou pour tolérer et absorber des pesticides. On les dit sans risque parce qu’on n’est pas immédiatement malade en les mangeant.
Mais l’épidémiologie ne donne jamais de résultat immédiat. Dans ma circonscription, des centaines d’anciens sidérurgistes sont morts ou sont en train de mourir de l’amiante. On n’était pas immédiatement malade en enfilant un vêtement d’amiante. On en meurt aujourd’hui pour en avoir régulièrement porté. Il a fallu un siècle pour se convaincre de sa nocivité, comme de l’effet cancérigène du tabac.
Nous ne savons pas si le maïs GM est dangereux. Nous savons juste que Monsanto refuse à la communauté scientifique de fournir les résultats des tests faits sur les rats en ayant absorbé alors qu’ils présentaient des anomalies des reins, du foie et du métabolisme sanguin.
Je m’étonne aussi que les tests imposés aux pesticides OGM soient beaucoup moins exigeants que ceux des pesticides chimiques.
Nos doutes ne peuvent que se renforcer quand on oppose le secret industriel à des informations sur la santé publique.
Nous savons désormais que le maïs GM (Mon 810) se dissémine beaucoup plus qu’il l’a été affirmé pendant des années, que cela a été constaté par le comité de préfiguration du Haut Conseil des Biotechnologies, présidé par notre ami le Sénateur LE GRAND, et que cela a justifié l’activation par le Président de la République et par le Gouvernement de la clause de sauvegarde.
Nous ne savons pas si le colza GM est dangereux. Nous savons juste qu’il se dissémine plus que le maïs et contamine des espèces sauvages proches.
Il conviendrait aussi d’approfondir les questions relatives à l'allergologie et aux résistances antibiotiques, à celle de la biodiversité ou encore de la responsabilité qui, comme toujours en France, reposera in fine sur le contribuable.
Il n‘y avait pas de certitude sur l’amiante, le plomb, le tabac ou les farines animales. On a sacrifié des milliers de personnes avant de savoir, puis de faire marche arrière.
La grande différence entre les OGM et les risques épidémiologiques maintenant connus, c’est que les OGM sont irréversibles. Cela justifie, plus que pour tout autre risque, la mise en œuvre du principe de précaution.
J’ai relu la déclaration politique du groupe parlementaire UMP. En matière d’environnement, elle affirmait notre attachement au nucléaire et aux énergies renouvelables mais elle ne supposait pas l’approbation des OGM.
C’est pourquoi notre liberté de conscience et de vote s’impose sur les OGM comme cela a toujours été le cas en notre sein sur tous les sujets éthiques.
II. Ensuite, je pense qu’il faut amender le projet du Gouvernement et, en tout état de cause, refuser le projet du Sénat, manifestement amendé sous l’influence des groupes voulant une mise en culture rapide et massive des OGM en France, au mépris de principes affichés.
Je partage totalement les principes affirmés par le projet gouvernemental :
1. Le principe de précaution et de prévention avec une expertise objective, pluraliste et pluridisciplinaire.
2. Le principe du libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM.
3. Le principe de responsabilité de l’exploitant.
4. Le principe de la transparence, consacrant un droit à l’information du citoyen.
Le problème est que ces principes ne sont pas pleinement garantis par le projet initial, et moins encore par les 67 amendements et sous-amendements adoptés par le Sénat qu’a su dominer un lobby parfaitement organisé faisant battre en retraite les parlementaires les plus équilibrés, tel le Sénateur UMP Jean-François LE GRAND, président de l’intergroupe OGM du Grenelle, réduit à retirer tous ses amendements et finissant par quitter le débat.
1. Sur le principe de précaution et de prévention avec une expertise objective, pluraliste et pluridisciplinaire :
Le texte gouvernemental constitue une incontestable avancée, conformément aux engagements du Grenelle. Il crée une « Haute Autorité sur les Organismes Génétiquement Modifiés » transformée par le Sénat en « Haut Conseil des Biotechnologies », réduisant par là même l’autorité de cet organisme et restreignant son droit de saisine.
Le projet de Loi ne garantit pas les moyens financiers et matériels du Haut Conseil et moins encore l’indépendance de ses membres à l’égard des demandeurs d’autorisation.
L’expérience des organismes antérieurs (CGG et CGB) doit conduire à apporter ces garanties comme c’est le cas pour toutes les autorités indépendantes, qu’elles concernent la santé publique, l’audiovisuel ou les marchés financiers.
2. Sur le principe du libre choix de produire et de consommer avec ou sans OGM.
En fait, le texte avalise la contamination OGM des cultures non OGM, tolérant un taux de 0,9 %. Ce taux ne résulte d’aucune donnée scientifique, mais d’un compromis au sein de la Commission Européenne sur l’étiquetage des produits OGM. Il convient de n’admettre qu’un taux de 0,1 % qui correspond aujourd’hui à la marge d’erreur possible des instruments de mesure. Il s’agit d’assurer la non contamination des cultures traditionnelles, particulièrement du bio, des AOC (appellations d’origine contrôlée) et des IGP (indications géographiques protégées).
3. Sur le principe de responsabilité de l’exploitant avec l’obligation de constituer des garanties financières.
Il est à la fois injuste et insuffisant.
La responsabilité ne porte que sur les incidences économiques de la contamination des champs à proximité. Elle ne porte pas sur les éventuelles conséquences sur la santé ou sur l’environnement (en contradiction avec la jurisprudence Erika). On ira alors rechercher la responsabilité de la collectivité tout entière comme pour les catastrophes sanitaires (amiante, tabac…) ou industrielles (affaissements miniers…).
Elle ne porte que sur l’exploitation proche, alors qu’il est aujourd’hui établi (même avec le maïs Mon 810 pourtant peu volatile) que le rayon de contamination ne se compte pas en mètres mais en kilomètres.
Il devient dès lors difficile d’individualiser la responsabilité et de la limiter à un périmètre proche. Sur d’immenses périmètres, le préjudice peut être sans commune mesure avec le chiffre d’affaires de l’exploitant OGM incriminé. Ce n’est donc pas seulement la responsabilité de l’exploitant-utilisateur final qui doit être engagée, mais celle de toute la filière, à savoir le distributeur et le titulaire du brevet et de l’autorisation, bénéficiaire des plus gros profits.
Il convient aussi d’inverser la charge de la preuve et de spécifier que la présomption de contamination pèse sur l’exploitant OGM et son fournisseur.
4. Sur le principe de la transparence, consacrant un droit à l’information du citoyen.
Contre l’avis du Gouvernement, un amendement du Sénat prétend réduire l’expression publique les futurs membres de la Haute Autorité.
Par ailleurs, le projet de loi est très en retrait sur la directive 201/18/CE qui mentionnait l’évaluation du risque, qui n’est pas reprise dans le texte qui se contente de renvoyer les modalités à un décret. Le texte législatif ne prévoit aucune disposition sur la participation du public alors que la France est liée par la Convention d’Aarhus relative à l’accès, à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Cette convention est expressément applicable aux OGM.
Enfin et surtout, il est essentiel que nous adoptions un amendement qui garantisse la publicité de l’évaluation du risque. Or, la rédaction sénatoriale restreint le droit à l’information si l’exploitant craint que cette information porte atteinte à ses intérêts économiques ou à sa position concurrentielle. C’est ainsi que Monsanto a opposé le secret industriel à la communication des tests sur les rats ayant ingéré du maïs Mon 863, entraînant pourtant des anomalies des reins, du foie et du métabolisme sanguin.
Ce ne sont là que quelques points à rectifier ou à préciser. La liste en est plus longue.
Je défendrai en séance des amendements, d’autres collègues aussi, revenant à la philosophie du texte initial déposé par le Gouvernement et apportant des garanties supplémentaires pour assurer l’effectivité des principes qui fondent cette loi, poursuivre la recherche, nous ouvrir à toutes les technologies tout en garantissant le droit de produire et consommer sans OGM et en préservant l’environnement des générations futures.
L’enjeu est grave.
Je vous invite à venir les soutenir en séance, mardi, mercredi et jeudi prochains.
Bien amicalement et fidèlement à vous.
François GROSDIDIER
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