dimanche 20 avril 2008

Encore des Anglo-Saxons ?



Message pour Dominique Vidal ...





Dans Le Monde Diplomatique du jeudi 9 novembre 2006 on a appris que le globe terrestre contemporain est traversé de plus de 226 000 kilomètres de frontières. Ainsi a-t-on créé ...





des vilaines cicatrices de la colonisation...






...des peuples et cultures fragmentés...



 



...des bâtisseurs d’empires et de murs...







Ensuite on s'est acharné à installer des identités nationales à l'intérieur de ce maillage de lignes de démarcations qui relèvent autant de l'histoire et de la géographie que de l'imaginaire humain et des délires cartographiques des élites politico-militaires. Lecteur attentif du Monde Diplomatique, je cherche donc désespérément le pays de ces Anglo-Saxons dont vous parlez dans l'excellent article que vous avez écrit pour l'édition d'avril 2008 (Cf Ce que voulait de Gaulle en 1966). Il me semble que la diversité culturelle et biologique en a pris des coups grâce notamment à l'instruction que nous reçevons tous à l'école...





Anglo-Saxons...?
Il y aurait une tradition profondément enracinée dans l’esprit français - datant probablement de Jeanne d'Arc - de surnommer ainsi les Anglais et de distinguer ultérieurement - à travers ce prisme déformant - le génie britannique, caractérisant aussi - par amalgame ethnocentrique ou ardeur jacobine - Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais etc. Pour autant qu’ils soient érudits et cultivés, plusieurs férus de la presse écrite française, ne sont pas à l’abri de cette entorse à la réalité anglophone qui, elle, dépasse allègrement les pénates de quelques visages pâles.





Certes votre collègue Maurice Lemoine, m'a fait remarquer qu' il est plus facile de dire Américains qu'Etats-Uniens....



Mais autant regarder les indigènes de l'Amérique du Nord comme s’ils étaient tous des Cowboys, autant considérer les Berbères comme s'agissant d’Arabes, autant décrire les Palestiniens et Tibetains respectivement comme des Israéliens et Chinois-bis, voire appeler Gaulois...ou Francs...les Basques, Bretons, Corses, Languedociens, Savoyards et les enfants de l'immigration italienne, polonaise, maghrébine, africaine, indo-chinoise, antillaise etc.





Bien sûr il existe des personnes frustres qui prennent un malin plaisir à entretenir les mythes ringards et caricaturals. Mais ce n'est pas votre cas. Ainsi de nos jours, on tend à employer le terme «Anglo-Saxon» de manière quelque peu trop familière pour désigner les peuples anglophones issus des Iles Britanniques, ce qui comprend les USA, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Or en réalité, la migration de ces tribus appelées Angles et Saxons d'origine devaient comporter un nombre d'autres éléments germaniques comme des Frisons (attestés par Procope), Jutes, Francs et peut-être d'autres communautés des côtes de la mer du Nord, mêlées à des populations romano-bretonnes dans de l'île de Bretagne.





Puis il y a eu la diaspora scandinave et ainsi de suite. Faut-il donc croire que les cours d'histoire géo dans les écoles de journalisme se résument à la lecture de quelques éditions d'Astérix ?
Pour votre information donc les véritables
Anglo-Saxons ont commencé à disparaître comme entité culturelle ou ethnique à partir de l'époque du Danelaw qui a démantelé la moitié de l’Heptarchie, processus achevé par l’arrivée en Angleterre en 1066 de Guillaume le Conquérant avec ses seigneurs et roturiers francophones et bretonnants et dont le Livre de Domesday a quadrillé et pris contrôle de ce territoire qui fut la chasse gardée autrefois du clan des Godwin. Il convient de savoir aussi que plus d’un siècle plus tard un monarque anglo-normand comme Richard Cœur de Lion s’exprimait en français, qu’il perdait son latin quand il entendait la langue devenue celle de Shakespeare, qui aujourd’hui ressemble à peine à celle pratiquée par Bède le Vénérable tellement elle a été modifiée par contact avec d’autres populations dites autochtones mais parlant le gallois, l'irlandais, le gaélique, le cornouaillais, le mannois, le norrois, sans oublier les traces laissées par Flamands ou Néerlandais et plusieurs milliers de réfugiés huguenots, ces derniers s’installant notamment en Ulster avec leurs us et coutumes...



*



En plus de nombreux transfuges originaires de l’Europe de l’est ou d’anciennes républiques soviétiques, je peux compter parmi mes compatriotes à présent des Bangladais, Indiens, Pakistanis, Sri-lankais, Nigérians, Ghanéens, Kenyans, Zimbabwéens, Tanzaniens, Irakiens, Iraniens, Algériens, Somaliens, Chypriotes, Bosniaques, Kosovars, Jamaïcains, Trinidadians, Tibétains, Thaïs et Chinois. Souvent victimes du néocolonialisme et de la xénophobie, toutes ces minorités enrichissent le kaléidoscope outre-Manche.





Formule élitiste et tribale,(1) le terme Anglo Saxon a l’air désuet face à la multiplicité de peuplades à tendance laïque ou de confession hindoue, musulmane, sikh, bouddhiste, confucianiste, judéo-chrétienne, zoroastrienne, baha’iste, animiste, humaniste, sataniste ou simplement républicaine et hédoniste, ayant élu domicile dans l’archipel de la Grande Bretagne et d’Irlande, ou poursuivant leur odyssée jusqu’aux pays ayant choisi comme emblème national un rapace charognard ou espèce de vautour, appelé à tort l’aigle impérial, la feuille d’érable, le kiwi et le koala ou le kangourou.





Le 19 janver 2007 j'ai déjà envoyé un courrier à ce sujet au Monde Diplomatique. Maurice Lemoine a pris soin de répondre par mail et je lui en suis grè. En conclusion donc et pour devancer un possible argument derrière lequel certains critiques de mes propos pourraient se retrancher, un mot sur l'épithète WASP - White Anglo-Saxon Protestant - formulation indigne pour n'importe quel citoyen américain éclairé. Il s'agit d'une expression particulièrement réductrice et sectaire d'un milieu universitaire privilégié, fanatisé et fermé, par laquelle les enfants nantis de quelques familles patriciennes et ultra-conservatrices célèbrent non seulement leur appartenance à l'Ivy League, c'est-à-dire notamment au campus d'une des huit universités privées du nord-est comme Yale, Harvard et Princeton, (2) mais aussi leur adhésion à une philosophie politique et religieuse comparable au McCarthyisme. Quant aux Anglais d’aujourdui, traiter un quelconque locuteur natif d'Angleterre d'Anglo-Saxon serait pour lui presqu'aussi déshonorant que de confondre l'accent populaire Geordie des Tynesiders avec le Cockney des quartiers pauvres à l'est du City de Londres, ou de prendre un Mancunian pour un Liverpudlian ! Comme on pourrait dire en pareilles circonstances on n'est pas de Marseille...A bon entendeur, salut.





En vous en remerciant de votre attention...Bien cordialement Paul Matthews





(1) Si depuis William III les Hanovriens ont succédé en lignée ininterrompue au trône du Royaume-Uni, le nom de la maison royale fut changé de "Saxe-Coburg-Gotha" à Windsor le 17 juillet 1917 par George V. Family business oblige.



(2) Cf. Délits d'initiés sur le marché universitaire américain Rick Fantasia au Monde Diplomatique N° 608 Novembre 2004






The Sutton Hoo Helmet
www.englandandenglishhistory.com





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