mercredi 27 janvier 2010

Menace sur le web

Après la bataille Google-Chine, voici de quoi s'inquiéter dans nos démocraties ...

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L'Acta : le traité qui menace le web


39 Etats entament ce mardi de nouvelles négociations sur un accord secret visant à lutter contre la contrefaçon, en particulier le téléchargement illégal sur Internet.



Acta. Ces quatre lettres font frémir le web. L'acronyme de l'Anti-Counterfeiting Trade Agreement, un projet de traité international "anti-contrefaçon", entame sa septième phase de négociations ce mardi 26 janvier au Mexique.
Très peu d'informations ont filtré sur les précédentes négociations, le projet d'accord dit "commercial" négocié entre 39 Etats ayant été classé "secret défense" par les Etats-Unis. Néanmoins, selon un document de la Commission européenne publié par Wikileaks, l'Acta comporterait deux volets : un premier sur les produits pharmaceutiques et la contrefaçon, et un second sur les mesures pour lutter contre les violations de droits d'auteurs.
Ce sont surtout les mesures envisagées dans cette seconde partie qui inquiètent les internautes. Si les négociations se déroulent dans une grande opacité, une certitude demeure : l'Acta entend bien durcir le droit international sur les questions de propriété intellectuelle.

"Notre objectif reste de conclure le traité cette année"

Contacté par le Nouvelobs.com, une source de la Commission européenne, proche des négociations, détaille l'agenda de ces prochains jours : "ce mardi elles porteront sur les questions civiles, mercredi sur les mesures pour les douanes, jeudi sur les questions relatives à Internet et au numérique, et enfin vendredi sur d'autres sujets et sur la possibilité de rendre public le projet d'accord".
Il précise que l'Acta ne sera pas finalisé ce vendredi. "Un prochain round de négociations est déjà prévu mi-avril en Nouvelle-Zélande. Mais notre objectif reste de conclure le traité cette année."
Autour de la table des négociations sont réunis "plusieurs représentants techniques de chaque pays. Pour les pays de l'Union européenne, le négociateur et son équipe sont diligentés par la commission européenne, sauf pour les questions pénales où c'est la présidente tournante de l'UE qui prend le relais". Par contre, autour de la table : "aucune entreprise ou association, uniquement des représentants d'Etat".
Cette source tient à préciser que "le dernier jour des négociations verra un communiqué officiel" et qu'"avant la conclusion de l'accord, le texte sera mis à disposition".

"Un prolongement de la loi Hadopi"

Concrètement, pour Internet, l'Acta envisage d'imposer des mesures de filtrage du web à l'échelle mondiale, mais aussi l'instauration d'une riposte graduée généralisée (à l'image d'Hadopi), ainsi que des droits accrus pour les douaniers qui pourraient vérifier les ordinateurs et autre baladeurs pour vérifier qu'ils ne contiennent pas de contenus violant les droits d'auteurs.
Le principal problème est que l'Acta autoriserait la coupure de l'accès à Internet ainsi que la fouille des ordinateurs aux douanes sans passer par un juge, ce qui est encore illégal en France et a déjà posé problème pour la loi Hadopi.
Interrogé par Nouvelobs.com, Aurélien Boch, membre de la Ligue Odebi, voit dans l'Acta "un prolongement de la loi Hadopi en voulant rendre répréhensible la contrefaçon numérique". La Ligue Odebi se place catégoriquement "contre la riposte graduée mondiale" mais aussi "contre le fait que des douaniers puissent ouvrir des ordinateurs et fouiller dedans sans avoir recours à un juge".

"La plus grosse menace sur nos libertés"

Jérémie Zimmerman, porte-parole et cofondateur de la Quadrature du net, s'inquiète lui particulièrement des mesures de filtrages. "L'Acta prévoit que les opérateurs Internet soient responsables des contenus hébergés chez eux, et risquent les tribunaux si ces contenus sont protégés" par des droits d'auteurs, explique-t-il à Nouvelobs.com. "Les opérateurs [fournisseurs d'accès, sites de partages de vidéo, blogs...] deviendraient alors des auxiliaires de police." Fournisseurs d'accès et autres opérateurs seraient ainsi contraints d'instaurer le filtrage réclamé par les autorités.
Sous couvert d'anonymat, un négociateur européen confirme au point.fr qu'"une responsabilité indirecte des intermédiaires techniques" est discutée puisqu'"une quantité énorme de contenus piratés transitent par leur réseau". Il précise que les FAI seront ainsi obligés de "réagir lorsqu'un ayant droit leur signale une infraction", ainsi que de "surveiller leur réseau".
Pour Jérémie Zimmermann, "c'est la plus grosse menace sur nos libertés et ça fait froid dans le dos..."

"Un réel danger pour la liberté d’expression"

De son côté, Reporters sans frontières "exprime sa grande inquiétude" sur l'éventuel traité "dont les mesures représentent un réel danger pour la liberté d’expression". RSF appelle ainsi l'Union Européenne à s'expliquer sur "des mesures qui mettraient en grave péril la liberté sur Internet".
Même demande du côté des députés. Fin décembre, le député de l'Essonne et président de Debout la République, Nicolas Dupont-Aignan, demandait que "l'élaboration de l'Acta soit librement accessible à nos concitoyens et, d'autre part [connaître] la position de la France sur ce dossier". Il appelait ainsi le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, à s'exprimer sur ce sujet. Une demande restée lettre morte...
Dans ce secret, la Ligue Odebi voit "un moyen de court-circuiter le législatif", explique Aurélien Boch. "Les Etats-Unis veulent imposer la ratification de l'ACTA par les pouvoirs exécutifs, à l'image des directives européennes."

"Rien ne sera fait hors des règles et des droits déjà existants"

"L'Acta est un traité crucial", ajoute Lucie Morillon, responsable des questions d'Internet chez RSF. "S'il était adopté en l'état actuel des choses, il serait lourd de conséquences sur les libertés d'expression et d'information. A terme, l'Acta peut changer la face d'Internet", explique-t-elle. "C'est un traité important qui mérite un débat démocratique", conclut-elle, engagée.
Aux critiques sur les craintes pour les libertés sur Internet, la source de la Commission européenne proche des négociations concède simplement "avec Internet se pose la question de l'équilibre. Internet est un acquis communautaire mais n'est pas en dehors des lois. Si beaucoup de contenus piratés circulent, rien ne sera fait hors des règles et des droits déjà existants".

(Boris Manenti- Nouvelobs.com)

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