Etats-Unis: histoires d'inégalités entre la «drogue du pauvre» et la cocaïne --par Denise Lavoie--
[26/12/2007 03:11]BOSTON (AP) -- Depuis son apparition sur le marché américain au début des années 80, le crack a toujours été considéré aux Etats-Unis comme une drogue plus dangereuse que la cocaïne, et ce, jusque dans les textes de loi. Une image d'Epinal reconsidérée aujourd'hui par de plus en plus d'experts et par les tribunaux.
De nombreux médecins spécialisés dans le domaine des narcotiques reconnaissent depuis peu que les effets dévastateurs du crack en comparaison à ceux générés par la prise de cocaïne ont été exagérés aux Etats-Unis, remettant ainsi en cause la législation américaine dans nombreux de ses jugements.
Apparue en 1980 sur la côte ouest, «la drogue du pauvre», dix fois moins chère que la cocaïne, s'est rapidement imposée comme la référence en matière de stupéfiants dans les ghettos afro-américains, suscitant la peur des autorités de voir naître un nouveau fléau pour la jeunesse.
En 1986, un texte de loi fédérale a gravé dans le marbre la détermination de la justice américaine à faire la guerre aux fumeurs de crack, allouant des peines de prison jusqu'à 100 fois supérieures à celles encourues pour des faits similaires avec de la cocaïne.
Toujours appliquée par les tribunaux américains, cette loi est aujourd'hui de plus en plus contestée par des experts scientifiques et par des médecins.
«Il n'existe à l'heure actuelle aucune justification scientifique qui puisse cautionner de tels textes de loi», reconnaît notamment le Dr Nora Volkow, directrice d'un institut américain spécialisé dans la lutte contre les stupéfiants.
D'autres experts poussent le raisonnement plus loin, mettant en avant le contexte social dans lequel le crack a débarqué aux Etats-Unis, dans des quartiers pauvres où régnait à l'époque un climat de violences urbaines largement relayées par les médias.
Pour Craig Reinarman, sociologue et professeur de Droit à l'université de Santa Cruz, «les politiciens ont manipulé les peurs» des Américains, faisant du crack «une nouvelle substance démoniaque', responsable de tous les maux de la société.
En 1986, la mort subite par overdose d'un jeune prodige du basket-ball américain, Lenny Bias, a renforcé l'idée que cette drogue était l'incarnation du diable.
Aussi talentueux que fantasque, Lenny Bias venait juste d'apprendre qu'il allait devenir joueur professionnel chez les Boston Celtics, lorsque la drogue l'emporta un soir de juin, à l'occasion d'une soirée orgiaque.
Peu après sa mort, les journalistes américains ont annoncé que le jeune homme était décédé suite à une prise excessive de crack, alors que l'enquête révélera plus tard qu'il s'agissait plutôt d'une overdose de cocaïne.
«La mort de Lenny Bias a symbolisé l'étendue des ravages que pouvait causer cette drogue», se souvient Marc Mauer, directeur d'un groupe de recherche en Droit pénal.
«D'un côté vous avez ce jeune homme promis à une très belle carrière de basket et de l'autre sa vie emportée par les démons du crack et de la cocaïne», analyse-t-il.
La réputation de la «drogue du pauvre» n'est pas sortie grandie de cette histoire, rattrapée quelques mois plus tard par une théorie médicale stigmatisant l'émergence d'une génération de «bébés-crack», atteints de troubles neurologiques sévères en raison de la prise de ce stupéfiant par leur mère pendant leur grossesse.
Aujourd'hui largement remise en cause par de nombreux médecins, cette théorie a focalisé l'attention sur cette drogue aux effets destructeurs, alors qu'il a été scientifiquement démontré par la suite que la prise de cocaïne par des femmes enceintes causait des lésions neurologiques similaires.
Imperméable à toute critique pendant de nombreuses années, la justice américaine envisage aujourd'hui de revoir à la baisse les condamnations judiciaires applicables aux détenteurs et trafiquants de crack.
A l'automne, la Commission des peines des Etats-Unis, organe judiciaire chargé de fixer les lignes directrice du Droit fédéral, a préconisé un réaménagement de ce type de condamnations, avec un effet rétroactif qui pourrait concerner près de 20.000 détenus, à majorité d'origine afro-américaine.
Cette nouvelle disposition, entrée en vigueur le 1er novembre dernier n'a en revanche pas allégée la durée de la peine minimale encourue pour trafic de crack, fixée à 5 ans d'emprisonnement, et dont seul le Congrès a le pouvoir de modifier. AP
mercredi 26 décembre 2007
Révision de la législation américaine sur les stupéfiants
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