samedi 17 avril 2010

Appel à une remise en question de l'égllise catholique

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Cinq années pour Benoît XVI, une crise de confiance historique - Lettre ouverte aux évêques catholiques du monde, par Hans Küng




Joseph Ratzinger, désormais Benoît XVI, et moi-même étions entre 1962 et 1965 les plus jeunes théologiens du concile Vatican II. Aujourd'hui, nous sommes les deux plus âgés et les seuls à être encore pleinement en activité. Mon œuvre, je l'ai toujours mise au service de l'Eglise. C'est pourquoi, en ce cinquième anniversaire de l'intronisation du pape, je me tourne vers les évêques, par cette lettre ouverte, préoccupé que je suis par le souci que nous donne notre Eglise en proie à la plus profonde crise de crédibilité qu'elle ait connue depuis la Réforme. Je n'ai en effet pas d'autres moyens de les atteindre.
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J'ai beaucoup admiré le pape Benoît pour m'avoir, moi son critique, invité à une conversation amicale de quatre heures lors de son entrée en fonctions. Cette rencontre qui a été saluée dans l'opinion publique, c'est le moins que l'on puisse dire, avait éveillé en moi l'espoir que Joseph Ratzinger, mon ex-collègue de l'Université de Tübingen, finirait par trouver le chemin d'une rénovation de l'Eglise et d'un rapprochement œcuménique, dans l'esprit de Vatican II.

Cet espoir, comme celui de tant de catholiques engagés a, hélas, été déçu, ce que j'ai fait savoir au pape de diverses manières dans la correspondance que nous avons échangée depuis. Il a sans aucun doute rempli quotidiennement et consciencieusement les devoirs de sa charge et nous a également gratifiés de trois précieuses encycliques sur la foi, l'espérance et l'amour. Mais pour ce qui est des grands défis de notre temps, son pontificat se présente de plus en plus comme celui des occasions manquées et non des occasions saisies :

* Manqué le rapprochement avec les Eglises protestantes : il est vrai qu'il ne s'agit pas d'Eglises au sens propre, et du coup, ni la reconnaissance de leurs hiérarchies ni un partage eucharistique ne sont possibles.
* Manqué l'accord durable avec les juifs : le pape a réintroduit une prière préconciliaire pour "que Dieu illumine le cœur des juifs et qu'ils connaissent Jésus-Christ, sauveur de tous les hommes" ; il a réintégré dans l'Eglise des prélats schismatiques notoirement antisémites ; il pousse à la béatification de Pie XII et traite le judaïsme en simple racine du christianisme et non comme une communauté de croyance à part entière, qui suit sa propre voie vers le salut. Les juifs du monde ont, récemment encore, été scandalisés par les propos du prédicateur de la Maison pontificale, qui a comparé la critique envers le pape aux aspects les plus honteux de l'antisémitisme.
* Manqué le dialogue ouvert avec les musulmans : symptomatique a été le discours de Ratisbonne, dans lequel, mal conseillé, le pape a caricaturé l'islam en religion violente et inhumaine et a, par là, suscité une défiance nourrie de leur part.
* Manquée la réconciliation avec les peuples autochtones colonisés d'Amérique latine : le pape prétend avec le plus grand sérieux que ceux-ci auraient ardemment désiré adhérer à la religion de leurs conquérants.
* Manquée l'opportunité de venir en aide aux peuples africains dans leur lutte contre la surpopulation par la contraception et par l'autorisation des préservatifs pour lutter contre le sida.
* Manquée l'occasion de faire la paix avec la science moderne : par la reconnaissance sans équivoque de la théorie de l'évolution et par une tolérance nuancée pour les nouveaux domaines de recherche, par exemple sur les cellules-souches.
* Manquée enfin la chance de faire enfin de l'esprit de Vatican II la boussole de l'Eglise catholique et de faire avancer sa réforme.

Ce dernier point est particulièrement grave. Ce pape-là ne cesse de relativiser la portée des documents du concile et les interprète, dans un sens rétrograde opposé à l'inspiration de ses initiateurs. Il agit même ouvertement contre le concile œcuménique, lequel, selon le droit canon, constitue la plus haute autorité de l'Eglise catholique, ainsi :

* Il a réintégré sans conditions dans l'Eglise des évêques intégristes de la Fraternité Saint Pie X ordonnés illégalement, alors que ceux-ci rejettent le concile sur des points essentiels.
* Il encourage par tous les moyens le retour à la messe tridentine et célèbre à l'occasion lui-même l'eucharistie en latin, le dos tourné à l'assemblée.
* Il ne met pas en œuvre les recommandations officielles de l'Anglican Roman Catholic International Commission, qui dessinent le cadre du rapprochement avec l'Eglise d'Angleterre. En revanche, il cherche à débaucher le clergé anglican, quitte à renoncer à l'obligation du célibat pour attirer celui-ci dans le giron de l'Eglise catholique.
* En nommant à la tête de son administration des adversaires du concile (le secrétaire d'Etat, la Congrégation pour le culte divin) et des évêques réactionnaires dans le monde entier, il a renforcé la tendance anticonciliaire à l'intérieur même de l'Eglise.

Le pape Benoît XVI semble de plus en plus isolé de la grande majorité du peuple chrétien, qui, de son côté, se préoccupe de moins en moins de Rome et, dans le meilleur des cas, s'identifie aux communautés et aux évêques locaux.

Je sais que beaucoup d'évêques souffrent de cette situation : le pape est soutenu dans sa politique anticonciliaire par la Curie romaine. Il cherche à étouffer toute critique venue de l'épiscopat et de l'Eglise, il s'efforce de discréditer ses contradicteurs par tous les moyens. Via un nouvel étalage de manifestations médiatiques et baroques, on tente de démontrer qu'il existe encore à Rome une Eglise puissante gouvernée par un " vicaire du Christ " absolu qui a en mains tous les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La politique de restauration de Benoît XVI n'en est pas moins un échec. Toutes les mises en scène, les voyages et les documents produits par lui et ses prédécesseurs se sont révélés incapables d'orienter, dans le sens que voulait Rome, l'opinion de la plus grande partie des fidèles sur les questions controversées, en particulier sur celle de la morale sexuelle. Et même les rencontres de la jeunesse avec un pape auquel seuls des groupes traditionalistes ou charismatiques rendent visite, n'ont pu ni freiner les défections ni réveiller les vocations.

Mais ce sont bien les évêques, qui sont le plus à plaindre : des dizaines de milliers de prêtres se sont défroqués, depuis le concile, à cause de la règle du célibat. La génération montante dans le clergé séculier (mais aussi régulier) souffre d'une baisse drastique de niveau quantitatif et qualitatif. Le clergé actuel est partagé entre résignation et frustration, et le phénomène atteint désormais les couches les plus militantes. Beaucoup se sentent abandonnés à leur misère et souffrent de l'état de l'Eglise. On sait ce qui attend nombre de diocèses : des églises, séminaires, paroisses de plus en plus clairsemés. Dans plusieurs pays, à cause du manque de prêtres, les communautés sont, souvent contre leur gré, fusionnées en gigantesques "unités d'assistance spirituelle" où les quelques prêtres restant sont surchargés, simple simulacre de réforme…

Et voilà qu'à tous ces facteurs de crise s'ajoute désormais le scandale des abus sexuel dont des prêtres se sont rendus coupables sur des milliers d'enfants et d'adolescents, que ce soit aux Etats-Unis, en Irlande, en Allemagne ou ailleurs – tout cela dans le silence d'une hiérarchie soumise à une crise de confiance sans précédent. Il est impossible de taire le fait que le système de camouflage mondialisé des cas de déviance sexuelle dus à des membres du clergé a été piloté par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, où ceux-ci étaient centralisés dans le plus grand secret, autrement dit par le cardinal Ratzinger (qui l'a dirigée de 1981 à 2005), et déjà sous Jean Paul II. Aussi tard que le 18 mai 2001, Ratzinger adressa solennellement une lettre aux évêques du monde sur les "délits les plus graves" (Epistula de delictis gravioribus). Les cas d'abus sexuel devaient être couverts par le Secretum pontificum, protégé par un arsenal de peines ecclésiastiques prévus en cas d'infraction. Il est donc tout à fait justifié que beaucoup réclament de l'ex-préfet et pape actuel un mea culpa personnalisé. Hélas, l'occasion fournie par la semaine sainte a été manquée. En lieu et place, nous avons eu droit, lors du dimanche de Pâques, à une protestation d'innocence "urbi et orbi" par le doyen des cardinaux.

Les effets de tous les scandales pour la réputation de l'Eglise catholique sont dévastateurs. C'est vrai aussi pour des dignitaires de haut rang. Sur d'innombrables pasteurs des âmes et éducateurs irréprochables qui se dépensent sans compter, pèse désormais un soupçon collectif. C'est aux évêques qu'il revient de poser la question de ce qui doit advenir de leurs diocèses et de notre Eglise et de ce à quoi elle va ressembler dans dix ans, compte tenu de la situation de la crise des vocations et de la pyramide des âge du clergé actuel. Ici, je ne souhaite pas ébaucher devant vous un programme de réforme ; j'ai déjà pratiqué plusieurs fois cet exercice avant et après le concile. Je voudrais seulement avancer six propositions dont je suis convaincu qu'elles recevraient le soutien de millions de catholiques qui n'ont actuellement pas voix au chapitre :

1. En finir avec la loi du silence : en choisissant le silence, les évêques se rendent complices de dérives bien graves et nombreuses. Or là où ceux-ci tiennent les règlements, dispositions et mesures en vigueur pour contre-productives, mieux vaut dire publiquement les choses. Pas d'adresses de dévouement à Rome, mais des exigences de réforme !
2. Prendre les réformes en main : ils sont nombreux dans l'Eglise et dans l'épiscopat à se plaindre de Rome sans rien faire eux-mêmes. Mais quand on en arrive à une situation où le service divin est déserté, le pastorat dépourvu de moyen, quand on s'ouvre de moins en moins à la misère du monde, et que le rapprochement œcuménique est réduit à sa plus simple expression, il est trop facile de mettre tout sur le dos de Rome. Evêque, prêtre ou laïc, que chacun dans sa sphère d'influence, grande ou petite, apporte sa pierre à la revitalisation de l'Eglise. Bien des accomplissements dans les paroisses et dans l'ensemble de l'Eglise sont mis en branle à l'initiative d'individus ou de petits groupes. En tant que tels, les évêques doivent soutenir et encourager de telles initiatives et, particulièrement en ce moment, répondre aux plaintes justifiées des croyants.
3. Aller de l'avant collégialement : le concile, après de vifs débats et en dépit de l'opposition constante de la Curie, a décrété la collégialité du pape et des évêques, décision qui allait dans le sens de l'histoire apostolique, où Pierre ne faisait rien sans consulter le Collège des apôtres. Mais les papes et la Curie ont, dans la période post-conciliaire, fait fi cette décision essentielle du concile. Depuis que Paul VI, deux ans à peine après Vaticant II, et sans consultation de l'épiscopat, a publié une encyclique en faveur de la règle controversée du célibat, l'administration et la politique pontificale se sont remises à fonctionner sur le mode le moins collégial qui soit. Jusqu'à présent, en matière de liturgie, le pape agit en monarque absolu, et les évêques dont il aime à s'entourer sont comme des figurants, sans droit ni voix. Voilà pourquoi ceux-ci ne doivent pas seulement réagir au niveau individuel, mais entreprendre des actions en commun avec les autres prélats, prêtres, et tout le peuple qui constitue l'Eglise, hommes et femmes confondus.
4. La soumission totale n'est due qu'à Dieu seul : lors de leur intronisation, les évêques font vœu d'obéissance absolue au pape. Mais une obéissance totale n'est jamais due à une autorité humaine, mais à Dieu seul. Ces vœux ne doivent donc pas interdire de dire la vérité sur la crise que traverse l'Eglise, les diocèses, les territoires. Les évêques ne feront que suivre l'exemple de l'apôtre Paul qui résista à Pierre "en face, parce qu'il s'était donné tort" (Galates 2, 11) ! Une pression sur la hiérarchie romaine exercée dans un esprit fraternel et chrétien peut s'avérer légitime, dès lors que cette hiérarchie s'écarte de l'esprit évangélique et de sa mission. La liturgie en langue vernaculaire, la modification du droit des mariages interreligieux, l'affirmation de la tolérance, de la démocratie, des droits de l'homme, de l'œcuménisme et tant d'autres choses ne seront acquises qu'au prix d'une pression opiniâtre de la base.
5. Résoudre les problèmes au niveau local : au Vatican, on se bouche souvent les oreilles devant les demandes justifiées de l'épiscopat, de la prêtrise et du laïcat. C'est une raison de plus pour mettre en pratique intelligemment des solutions régionales ou locales aux problèmes qui se posent. Un de ceux-là, particulièrement sensible, est celui du célibat, qui, justement dans le contexte des scandales d'abus sexuels, vient tout naturellement à l'ordre du jour un peu partout. Changer les choses contre la volonté de Rome semble presque impossible. On n'en est pas condamné pour autant à la passivité : un prêtre qui après mûre réflexion pense se marier ne devrait pas ipso facto être déchu de son ministère, surtout si son évêque et sa paroisse sont avec lui. Peut-être quelques conférences épiscopales pourraient-elles prendre les devants au niveau régional. Mais rien ne vaut une solution globale. C'est pourquoi :
6. Il faut exiger un concile : de même qu'il a fallu convoquer un concile pour réformer la liturgie et promouvoir la tolérance, l'œcuménisme et le dialogue interreligieux, de même le caractère désormais urgent du problème de la réforme en requiert un autre.

Le concile de Constance, un siècle avant la Réforme, s'était prononcé pour une convocation quinquennale des conciles, ce que la Curie romaine s'est empressé de mettre sous le boisseau. Nul doute que celle-ci fera aujourd'hui encore tout son possible pour empêcher un nouveau concile qui pourrait avoir pour effet de limiter son pouvoir. C'est donc la responsabilité des évêques d'en imposer la réunion, ou du moins de celle d'une assemblée épiscopale représentative.

Face à la crise que vit l'Eglise, j'adjure les évêques de mettre dans la balance le poids de leur autorité épiscopale réévaluée par le concile. Dans cette situation abyssale, les yeux du monde sont tournés vers eux. Un nombre inimaginable de gens ont perdu confiance en l'Eglise catholique. Seul un abord ouvert et franc des problèmes et des réformes que ceux-ci impliquent est en mesure de la restaurer. Je demande, avec tout le respect qui est dû aux évêques, qu'ils y contribuent, autant que possible en commun mais, si nécessaire, aussi seuls, "avec assurance" (Actes des apôtres 4, 29-31). Ainsi adresseront-il aux fidèles un signe d'espérance et d'encouragement, et à notre Eglise, une perspective de salut.
Hans Küng est théologien.

Traduit de l'allemand par Nicolas Weill

mercredi 7 avril 2010

Balance ton voisin, le mauvais citoyen ...

Pour l'instant, c'est au Danemark ...

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Votre voisin est un fraudeur, dénoncez-le !

Comme tant d’autres hommes politiques et employés municipaux, le maire social-démocrate de Copenhague, Frank Jensen, affirme que les fraudes sociales, qui se banalisent, coûtent chaque année des millions d’euros aux municipalités. Bientôt, les habitants de Copenhague auront donc la possibilité de pointer du doigt les fraudeurs via un site internet lancé par la mairie. Ils pourront y dénoncer leur voisin qui semble toucher une aide sociale tout en travaillant au noir. Ou bien leur voisine de palier qui bénéficie toujours d’allocations de parent isolé alors qu’elle ne vit plus seule. "Je sais bien que c’est une façon de fouiner dans la vie privée des gens. Mais même si la dénonciation ne doit pas être l’élément principal de cette initiative, il nous faut redoubler de vigilance à l’égard de ce fléau social. Il nous coûte en effet très cher chaque année et il est de notre devoir, vis-à-vis des citoyens honnêtes, de mettre un terme aux agissements de ceux qui croient pouvoir tout avoir par l’escroquerie. Or ils sont de plus en plus nombreux”, déclare Frank Jensen.

Au Danemark, les services de délation font donc leur entrée dans les administrations municipales. De plus en plus de communes consacrent une part importante de leur budget à la lutte contre la fraude sociale. Mais le calcul est vite fait : le retour sur investissement est largement garanti. Copenhague espère que ses huit contrôleurs spéciaux feront économiser 18 millions de couronnes à la ville (2,4 millions d’euros). A Horsens, Furesø et Gribskov, de nouveaux contrôleurs ont même été embauchés. Gribskov va jusqu’à inviter les citoyens à joindre une photo du fraudeur – ou à faire référence à son profil sur Facebook. "On peut nous reprocher d’être à la limite de l’éthique, mais n’importe qui peut consulter Facebook”, se défend Anette Larsen, qui supervise les contrôleurs de Gribskov. Elle souligne toutefois, elle aussi, la nécessité de traiter avec beaucoup de prudence les lettres anonymes relatives à la fraude sociale.

Il n’est pas rare que d’ex-victimes de ces délations deviennent à leur tour persécuteurs. Les principaux acteurs du dispositif seront donc les employés municipaux qui peuvent apprendre à déceler la fraude sociale, capter les indices et les bribes d’informations susceptibles de révéler la vérité. Comme par exemple le fait que tel père de famille continue à aller chercher ses enfants dans un jardin d’enfants local situé à plusieurs kilomètres de son lieu de résidence officiel. Dans cet exemple précis, quelques vérifications permettront de savoir si l’homme a déménagé uniquement sur sur le papier. "Il n’est pas prévu que la délation constitue la clef de voûte de notre démarche. Telle n’est pas du tout notre intention. Mais il faut bien reconnaître que nous n’arriverons jamais à élucider certains dossiers sans l’aide de la population", explique Janne Nielsen, responsable des contrôleurs de la commune de Frederikssund. Lorsque les citoyens sont invités à dénoncer toute fraude sociale constatée dans leur entourage, l’Etat de droit est en danger.

Michael Olsen

dimanche 4 avril 2010

Luttez ou ne pas luttez contre l'opium ?

Là, au moins, c'est clair ...

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Les USA laissent-ils pousser l'opium afghan ?

Alors que l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime a annoncé que l'Afghanistan est le principal producteur mondial d'opium et de haschich, Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS pointe "la co-responsabilité" de Washington et Kaboul.

Photo d'archives.(AFP) AFP Photo d'archives.(AFP) AFP

L'Afghanistan, premier producteur mondial d'opium et de haschich. L'information révélée par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) mercredi 31 mars ne suscite, à priori, ni contestation, ni polémique. Pourtant, une déclaration d'un porte-parole dudit office a de quoi surprendre. Le Canard enchaîné s'en est fait l'écho cette semaine : "le grand public aura du mal à accepter des images de soldats de l'Otan qui marchent le long des champs d'opium, mais dans ce cas précis il est judicieux de marquer une pause dans les éradications."

Une politique laxiste

Autrement dit, la misère qui touche le pays et la lutte contre le terrorisme impose, pour un temps, un certain laxisme en la matière. Un avis partagée par l'armée américaine, qui selon le conseiller personnel du général Stanley McChrystal, s'interdit d'écraser les champs de pavot de la cité de Marjah dans le sud de l'Afghanistan. Cité par le New York Times, ce conseiller justifie la stratégie US : "On ne piétine pas le gagne-pain d'une population qu'on tente de railler". Pleinement assumée, cette politique s'inscrit dans le cadre de l'opération Mushtarak (Ensemble) lancée le 13 février dernier et destinée à éliminer la présence des talibans dans la province du Helmand (sud du pays). Malgré cela, les talibans, bien que diminués, y sont toujours actifs, mêlés à la population ou cachés dans les montagnes. Preuve en est, un attentat a fait hier au moins 13 morts et une quarantaine de blessés sur un marché de la province.

Une stratégie américaine contradictoire ?

Hasard ou pas des évènements, les victimes, des agriculteurs pour la plupart, attendaient de recevoir gratuitement des semis fertilisés en contre partie desquels ils renonçaient à la culture de l'opiacé. Une initiative du gouvernement afghan et de ses alliés internationaux pour lutter contre le trafic de drogue. Dès lors, comment expliquer le laxisme de l'armée américaine à l'égard des producteurs de pavot ? Interrogé par Nouvelobs.com, Karim Pakzad, chercheur associé à l'Institut de Relations Internationale et Stratégiques (IRIS) explique cette "apparente contradiction" par "la stratégie américaine en Afghanistan et l'absence de réelle volonté du gouvernement afghan d'éradiquer la culture du pavot et de toutes les autres drogues".

"Co-responsabilité"

Ancien professeur à l'université de Kaboul, Karim Pakzad remet en cause l'idée selon laquelle "le gouvernement afghan lutterait contre la culture du pavot alors que les américains n'en feraient pas une priorité". "La réalité est tout autre, nettement moins manichéenne. Il y a une co-responsabilité du gouvernement de Hamid Karzai et de l'administration américaine dans la persistance de la culture de l'opium dans le pays" insiste t-il. D'aller plus loin encore : "il est de notoriété publique que que de hauts responsables de l'administration afghane sont impliqués dans le trafic de drogue. Le nouveau ministre de la justice a d'ailleurs réaffirmé cette réalité que tout le monde connait. Le plan lancé début mars par le gouvernement afghan n'est plus ni moins que de la communication politique, répondant aux pressions de la coalition militaire, elle-même influencée par l'opinion publique occidentale. C'est une façon aussi d'écarter les accusations de corruptions dont Karzai fait l'objet".

"La culture du pavot ne risque pas de diminuer."

S'agissant de la responsabilité des Etats-Unis, Karim Pakzad l'explique d'abord par "sa stratégie" qui "au cours des premières années ont délibérément choisi de laisser tranquilles les trafiquants de drogue. L'objectif consistait à s'attaquer en priorité aux terroristes et autres insurgés" considérant "qu'une fois ce problème résolu, la question du pavot se réglera presque d'elle-même". Il l'explique également par "les multiples échecs accumulés par l'armée dans sa tentative de lutter contre la culture du pavot. En 2005, il y a bien eu une réelle tentative de prendre le problème à bras-le-corps en propageant, par exemple, des herbicides sur les champs." "Toutefois", précise t-il "cette tentative a été immédiatement condamnée par les paysans et le gouvernement Karzai qui sont dépendants des ressources financières engendrées par le trafic de drogue". Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le revenu annuel de la production d'opium était de 438 millions de dollars en 2009 pour 6.900 tonnes produites.

Karim Pakzad de conclure : "La stratégie de l'armée américaine et du gouvernement afghan se complètent. Aucun d'entre eux n'a, dans la situation actuelle, intérêt à faire de la lutte contre la drogue une priorité. Tant qu'il n y aura pas un Etat afghan fort, crédible et non corrompu et que l'armée américaine ne marquera des points contre l'insurrection la culture du pavot ne risque pas de diminuer." Peu ou prou assumé par l'administration Obama, ce consensus est de plus en plus remis en cause. Dernier exemple en date, l'agence américaine de lutte contre la drogue (Drug enforcement administration, DEA), qui dépend du ministère américain de la Justice, s'est dite ce jeudi prête à remonter les filières de trafiquants afghans, y compris jusqu'au sein du gouvernement.

(Benjamin Harroch - Nouvelobs.com)

samedi 20 mars 2010

Les cultivateurs en herbe sont en pétard

Mais où est la logique sous-jacente ?

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Traqués par la police, les petits producteurs de cannabis néerlandais sont en voie de disparition. Résultat : la qualité de l’herbe baisse et les coffee shops sont obligés de s’approvisionner auprès des grands dealers.

On ne les voit ou on ne les entend quasiment plus, mais ils existent toujours, ces petits cultivateurs qui chouchoutent leurs petits pieds de cannabis à domicile. Ils le font pour leur propre consommation, pour approvisionner leurs proches en cannabis médicinal ou pour le vendre aux coffee shops. Et ils se sentent de plus en plus menacés.

Depuis 2004 en effet, la police et la justice néerlandaises les chassent vigoureusement. "Ce sont surtout eux qui se font prendre", explique Nicole Maalsté, sociologue à l’Université de Tilburg. "Pour la police, il est plus facile d'organiser une descente dans un quartier populaire. Mais les grands dealers restent généralement hors d’atteinte. Pour les arrêter, il faudrait enquêter plus longuement." D’après elle, la criminalité organisée profite de ces interventions policières plus vigoureuses. "Au fur et à mesure que les petits cultivateurs sont chassés du marché, les durs remplissent ce vide. Les coffee shops sont poussés vers des individus avec lesquels ils n’auraient jamais voulu travailler."

Les petits cultivateurs et leur cannabis bio devraient être choyés

Un fonctionnaire municipal de 36 ans (qui souhaite rester anonyme) qui réside dans le quartier populaire de Woensel-West, à Eindhoven, et qui cultive du cannabis dans son grenier, ne se considère pas du tout comme un criminel : "Mon amie et moi cultivons pour notre propre consommation. Ce qu’ils vendent dans les coffee shops est cher et de qualité de plus en plus médiocre. Ils y ajoutent des produits chimiques ou l’alourdissent avec de la poudre de verre ou de métaux."

Dans son grenier, deux armoires contiennent chacune cinq pieds de cannabis éclairés par de fortes lampes. Le fonctionnaire affirme qu’il respecte les règles de la politique dite "de tolérance" : sa copine et lui possèdent chacun cinq pieds de cannabis [la culture est interdite mais pénalisée seulement à partir de six pieds]. Mais lorsqu’on cultive à partir de semences, il faut en semer au moins le double car seules les graines femelles fleurissent. Il y a un an et demi, il a eu la visite de deux agents de police tuyautés par un voisin. Les policiers se sont montrés compréhensifs.

Un autre cultivateur, Kees (40 ans), habitant de la ville de Huizen, a été moins chanceux : "Je n’ai pas réussi à faire comprendre au policier que pour avoir cinq plantes, il en faut dans un premier temps bien plus. Ils ont tout détruit." Kees cultive du "cannabis de qualité, 100% biologique". Ce qu'il ne consomme pas, il le vend aux coffee shops - entre 2 700 et 3 400 euros le kilo, selon la qualité et le coffee shop.

La sociologue Nicole Maalsté, mais aussi de nombreux maires, souhaitent que l’approvisionnement des coffee shops auprès de petits cultivateurs contrôlés soit dépénalisé [les coffee shops peuvent vendre jusqu’a 5 grammes de cannabis par client, mais n’ont pas le droit de s’approvisionner, pas même auprès des petits cultivateurs]. Elle voudrait que la police fasse surtout la chasse aux grands criminels : "Les petits cultivateurs, qui sont le socle de la politique néerlandaise de tolérance, devraient être choyés. Ils cultivent de la bonne herbe, généralement dépourvue d’additifs. La qualité est clairement supérieure à ce que les grands produisent en gros et à ce qui envahit de plus en plus les rayons."
Peter de Graaf

vendredi 12 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

La fin programmée des services publics ...

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Tensions et asphyxie au quotidien pour les agents de la CAF

SOCIAL - L'état des lieux que font les acteurs des différentes CAF confirme ce que dénonce le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)...

Malaise à la CAF. Les 123 Caisses d’Allocations Familiales sont en état d’asphyxie, et risquent même l’«implosion», si l’on en croit Jean-Louis Deroussen. Mais le président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) n’est pas le seul à dénoncer les difficultés auxquelles doivent faire face les agents sur le terrain. Ces derniers en font même un état des lieux encore plus alarmant.

>> Retrouvez l'interview de Jean-Louis Deroussen par ici

«Je travaille à la CAF depuis 1966 et je n’ai jamais vu un bazar pareil, et pourtant on en a connu des situations difficiles. Il y a une inadéquation totale entre la charge de travail et les effectifs», raconte Jean-Claude Chériki, secrétaire général FO-organismes sociaux. Un déséquilibre qui ne date pas d’hier: «Ca fait trois ans que la situation se dégrade et que tous les syndicats demandent une hausse des effectifs», sans être entendus. Yannis, secrétaire de section CFTC à la CAF des Bouches-du-Rhône confirme: «L’an dernier, en mars, nous avons fait grève une semaine pour obtenir que les départs à la retraite soient remplacés. On avait obtenu gain de cause mais avec la crise et les économies exigées par l’Etat, l’engagement n’a pas été tenu.»
Afflux constant de demandes

Certes, 1.200 personnes ont été embauchées lors de la mise en place du Revenu de solidarité active (RSA), et la Cnaf recrute actuellement 400 CDD supplémentaires, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan: Jean-Louis Deroussen estime qu’il faudrait «1.000 personnes de plus sur six mois». Car de nouvelles missions vont échoir à la CAF: déclaration trimestrielle de ressources des bénéficiaires de l’AAH, RSA jeune, extension du RSA dans les DOM, gestion de l’accès à la CMU, et mise en place des actions de prévention des expulsions locatives.

Mais, même sans compter ces nouvelles tâches, l’afflux constant de dossiers empêche les CAF de remplir leurs obligations de service: appels téléphoniques, demandes de minima sociaux et courrier ne sont pas traités, et le retard s’accumule. «En janvier 2009, on avait 69,90% des appels aboutis, c’est à dire que l’allocataire avait quelqu’un au bout du fil. En janvier 2010 on est tombé à 40,50%. Et, au niveau des pièces à traiter, le dernier chiffre de la direction, qui date de ce jeudi matin, s’élève à 197.000 à la CAF 93», indique Jean-Claude Chériki. Un retard de 17 jours pour les dossiers prioritaires (dossiers de minima sociaux), mais d’au moins 2 mois et demi pour les autres, selon le syndicaliste.
Agressivité

Pour les personnels, cette charge de travail ingérable, génère stress et pénibilité. Et, pour les allocataires, c’est l’horreur. «À l’antenne de Saint-Denis La Tour Pleyel on a des fois 200m de queue. L’autre jour, j’ai demandé à un allocataire à quelle heure il était arrivé. Il m’a répondu 4h30!» Une réalité qui agace Jean-Louis Deroussen: «Le temps d’attente au guichet, qui ne doit pas excéder 20 minutes, est à ce jour en moyenne, à Bobigny, de 4 heures!»

Forcément, l’agressivité et les incivilités deviennent monnaie courante. «C’est logique, les gens ont besoin des allocations pour vivre. A Aix-en-Provence, un agent a été giflé, et un autre insulté, alors que ce secteur n’est habituellement pas propice aux incivilités», détaille Yannis. Pourtant, si l’on en croit la CAF des Bouches-du-Rhône, la région serait «moins touchée», aussi bien par les incivilités que par les retards: 92% des dossiers seraient traités en moins de 10 jours sur le secteur, et seulement 50.000 dossiers seraient en stock, le temps de traitement s’élevant à environ 6 jours et demi.

Un rêve pour une majorité d’agents et de directeurs. Ces derniers ayant souvent recours aux heures supplémentaires obligatoires et aux fermetures de caisse pour rattraper le retard, et tenter de baisser le niveau de stress qui pèse sur les épaules de leurs agents. Pour Jean-Louis Deroussen, «ce n’est pas une solution, et cela donne une très mauvaise image du service public. Il nous faut plus de moyens, et ne pas attendre que les choses s’enveniment».

Bérénice Dubuc

samedi 27 février 2010

Allons-nous savoir retrouver nos instincts animaux pour sauver notre humanité ?

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Des animaux doués d'empathie


C'est une scène de la vie ordinaire. Une aveugle, désorientée, cherche son chemin. Une voyante vient à son secours, la guidant de la voix. L'infirme la remercie par de bruyantes effusions. Scène ordinaire, à cela près qu'elle se passe en Thaïlande, dans un parc naturel, et que les deux protagonistes sont des éléphantes. Cet exemple est l'un de ceux dont fourmille le nouveau livre de l'éthologue Frans de Waal, spécialiste des primates et professeur de psychologie à Atlanta (Géorgie). Intitulée L'Age de l'empathie, cette passionnante leçon de choses, bousculant les frontières entre l'homme et l'animal, est aussi un plaidoyer pour le "vivre-ensemble" à l'usage de nos sociétés.

"La cupidité a vécu, l'empathie est de mise, proclame l'auteur. Il nous faut entièrement réviser nos hypothèses sur la nature humaine." A ceux, économistes ou responsables politiques, qui la croient régie par la seule lutte pour la survie - et, selon l'interprétation dévoyée que le darwinisme social a donnée de la théorie de l'évolution, par la sélection des individus les plus performants -, il oppose un autre principe, tout aussi actif que la compétition : l'empathie. C'est-à-dire la sensibilité aux émotions de l'autre. Une faculté compassionnelle qui, loin d'être l'apanage de l'homme, est partagée par de nombreux mammifères, à commencer par les primates, les éléphants et les dauphins. Et qui, de surcroît, est vieille comme le monde.

Dans ses formes les plus rudimentaires, ou les plus archaïques, elle se manifeste par l'imitation, ou la synchronisation des comportements : de même que nous applaudissons sur le même tempo que nos voisins à la fin d'un concert, que deux promeneurs accordent la longueur de leurs pas, ou que des vieux époux finissent par se ressembler, un attelage de chiens de traîneau se meut comme un corps unique, un chimpanzé baille à la vue d'un congénère se décrochant la mâchoire, et rit quand l'autre s'esclaffe. Mieux, cette contagion franchit la barrière des espèces : ainsi un singe rhésus bébé reproduit-il les mouvements de la bouche d'un expérimentateur humain.

Mais l'empathie a des expressions plus élaborées. Dans le parc national de Thaï, en Côte d'Ivoire, des chimpanzés ont été observés léchant le sang de compagnons attaqués par des léopards, et ralentissant l'allure pour permettre aux blessés de suivre le groupe. Dans la même communauté ont été décrits plusieurs cas d'adoption d'orphelins par des adultes femelles, mais aussi par des mâles. Une sollicitude qui peut sembler naturelle pour des animaux sociaux, qui trouvent un intérêt collectif à coopérer.

Comment l'expliquer, toutefois, lorsque l'individu n'a rien à gagner à un comportement empathique, qui devient alors proprement altruiste ? Une expérience a montré que des singes rhésus refusaient, plusieurs jours durant, de tirer sur une chaîne libérant de la nourriture si cette action envoyait une décharge électrique à un compagnon dont ils voyaient les convulsions. Préférant ainsi endurer la faim qu'assister à la souffrance d'un semblable.

Autoprotection contre un spectacle dérangeant ? Mais pourquoi, alors, un singe capucin de laboratoire ayant le choix entre deux jetons de couleurs différentes, dont l'un lui vaut un morceau de pomme tandis que l'autre garantit également cette récompense à un partenaire, opte-t-il pour le jeton assurant une gratification commune ? Mieux, pourquoi un chimpanzé ouvre-t-il une porte dont il sait qu'elle donnera accès à de la nourriture à un congénère, mais pas à lui-même ?

Pour Frans de Wall, la réponse tient en un mot : l'empathie, précisément, ou le souci du bien-être d'autrui. Même lorsque cet autre n'appartient pas à la même espèce que soi. On a vu, dans un zoo, une tigresse du Bengale nourrir des porcelets. Un bonobo hisser un oiseau inanimé au sommet d'un arbre pour tenter de le faire voler. Ou un chimpanzé remettre à l'eau un caneton malmené par de jeunes singes.

Dans ses formes les plus simples, la "sympathie" animale - terme employé par Darwin lui-même - ne mobilise nullement des capacités cognitives complexes, réputées propres à l'homme. Elle met en jeu, décrit l'éthologue, de purs mécanismes émotionnels. Des souris se montrent ainsi plus sensibles à la douleur quand elles ont vu souffrir d'autres souris dont elles sont familières. En revanche, des processus cognitifs entrent en jeu pour des modes de compassion plus complexes, nécessitant de se mettre à la place de l'autre. Comme lorsqu'un chimpanzé délaisse ses occupations pour venir réconforter un congénère molesté lors d'une rixe.

La compassion prendrait ses racines dans un processus évolutif lointain, à une période bien antérieure à l'espèce humaine, avec l'apparition des soins parentaux. "Pendant 200 millions d'années d'évolution des mammifères, les femelles sensibles à leur progéniture se reproduisirent davantage que les femelles froides et distantes. Il s'est sûrement exercé une incroyable pression de sélection sur cette sensibilité", suppose le chercheur. Voilà pourquoi les mammifères, dont les petits, allaités, réclament plus d'attention que ceux d'autres animaux, seraient les plus doués d'empathie. Et les femelles davantage que les mâles. Un trait que partageaient peut-être les derniers grands reptiles. Ce qui expliquerait pourquoi certains oiseaux - probables descendants des dinosaures - semblent eux aussi faire preuve de commisération. Le rythme cardiaque d'une oie femelle s'accélère ainsi, battant la chamade, quand son mâle est pris à partie par un autre palmipède.

L'éthologue ne verse pas pour autant dans l'angélisme. Comme pour les autres animaux, "il existe chez l'homme un penchant naturel à la compétition et à l'agressivité". Mais sa propension à la compassion est "tout aussi naturelle". Reste que l'empathie n'est pas toujours vertueuse. C'est aussi sur la capacité à ressentir les émotions d'autrui que se fondent la cruauté et la torture.


"L'Age de l'empathie, leçons de la nature pour une société solidaire", éditions Les liens qui libèrent, 2010, 392 p., 22,50 euros.

Pierre Le Hir