dimanche 4 avril 2010

Luttez ou ne pas luttez contre l'opium ?

Là, au moins, c'est clair ...

Tiré de

Les USA laissent-ils pousser l'opium afghan ?

Alors que l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime a annoncé que l'Afghanistan est le principal producteur mondial d'opium et de haschich, Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS pointe "la co-responsabilité" de Washington et Kaboul.

Photo d'archives.(AFP) AFP Photo d'archives.(AFP) AFP

L'Afghanistan, premier producteur mondial d'opium et de haschich. L'information révélée par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) mercredi 31 mars ne suscite, à priori, ni contestation, ni polémique. Pourtant, une déclaration d'un porte-parole dudit office a de quoi surprendre. Le Canard enchaîné s'en est fait l'écho cette semaine : "le grand public aura du mal à accepter des images de soldats de l'Otan qui marchent le long des champs d'opium, mais dans ce cas précis il est judicieux de marquer une pause dans les éradications."

Une politique laxiste

Autrement dit, la misère qui touche le pays et la lutte contre le terrorisme impose, pour un temps, un certain laxisme en la matière. Un avis partagée par l'armée américaine, qui selon le conseiller personnel du général Stanley McChrystal, s'interdit d'écraser les champs de pavot de la cité de Marjah dans le sud de l'Afghanistan. Cité par le New York Times, ce conseiller justifie la stratégie US : "On ne piétine pas le gagne-pain d'une population qu'on tente de railler". Pleinement assumée, cette politique s'inscrit dans le cadre de l'opération Mushtarak (Ensemble) lancée le 13 février dernier et destinée à éliminer la présence des talibans dans la province du Helmand (sud du pays). Malgré cela, les talibans, bien que diminués, y sont toujours actifs, mêlés à la population ou cachés dans les montagnes. Preuve en est, un attentat a fait hier au moins 13 morts et une quarantaine de blessés sur un marché de la province.

Une stratégie américaine contradictoire ?

Hasard ou pas des évènements, les victimes, des agriculteurs pour la plupart, attendaient de recevoir gratuitement des semis fertilisés en contre partie desquels ils renonçaient à la culture de l'opiacé. Une initiative du gouvernement afghan et de ses alliés internationaux pour lutter contre le trafic de drogue. Dès lors, comment expliquer le laxisme de l'armée américaine à l'égard des producteurs de pavot ? Interrogé par Nouvelobs.com, Karim Pakzad, chercheur associé à l'Institut de Relations Internationale et Stratégiques (IRIS) explique cette "apparente contradiction" par "la stratégie américaine en Afghanistan et l'absence de réelle volonté du gouvernement afghan d'éradiquer la culture du pavot et de toutes les autres drogues".

"Co-responsabilité"

Ancien professeur à l'université de Kaboul, Karim Pakzad remet en cause l'idée selon laquelle "le gouvernement afghan lutterait contre la culture du pavot alors que les américains n'en feraient pas une priorité". "La réalité est tout autre, nettement moins manichéenne. Il y a une co-responsabilité du gouvernement de Hamid Karzai et de l'administration américaine dans la persistance de la culture de l'opium dans le pays" insiste t-il. D'aller plus loin encore : "il est de notoriété publique que que de hauts responsables de l'administration afghane sont impliqués dans le trafic de drogue. Le nouveau ministre de la justice a d'ailleurs réaffirmé cette réalité que tout le monde connait. Le plan lancé début mars par le gouvernement afghan n'est plus ni moins que de la communication politique, répondant aux pressions de la coalition militaire, elle-même influencée par l'opinion publique occidentale. C'est une façon aussi d'écarter les accusations de corruptions dont Karzai fait l'objet".

"La culture du pavot ne risque pas de diminuer."

S'agissant de la responsabilité des Etats-Unis, Karim Pakzad l'explique d'abord par "sa stratégie" qui "au cours des premières années ont délibérément choisi de laisser tranquilles les trafiquants de drogue. L'objectif consistait à s'attaquer en priorité aux terroristes et autres insurgés" considérant "qu'une fois ce problème résolu, la question du pavot se réglera presque d'elle-même". Il l'explique également par "les multiples échecs accumulés par l'armée dans sa tentative de lutter contre la culture du pavot. En 2005, il y a bien eu une réelle tentative de prendre le problème à bras-le-corps en propageant, par exemple, des herbicides sur les champs." "Toutefois", précise t-il "cette tentative a été immédiatement condamnée par les paysans et le gouvernement Karzai qui sont dépendants des ressources financières engendrées par le trafic de drogue". Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le revenu annuel de la production d'opium était de 438 millions de dollars en 2009 pour 6.900 tonnes produites.

Karim Pakzad de conclure : "La stratégie de l'armée américaine et du gouvernement afghan se complètent. Aucun d'entre eux n'a, dans la situation actuelle, intérêt à faire de la lutte contre la drogue une priorité. Tant qu'il n y aura pas un Etat afghan fort, crédible et non corrompu et que l'armée américaine ne marquera des points contre l'insurrection la culture du pavot ne risque pas de diminuer." Peu ou prou assumé par l'administration Obama, ce consensus est de plus en plus remis en cause. Dernier exemple en date, l'agence américaine de lutte contre la drogue (Drug enforcement administration, DEA), qui dépend du ministère américain de la Justice, s'est dite ce jeudi prête à remonter les filières de trafiquants afghans, y compris jusqu'au sein du gouvernement.

(Benjamin Harroch - Nouvelobs.com)

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