jeudi 4 novembre 2010

TEXTE D'APPEL à la Coordination régionale des assemblées inter-professionnelles



L'heure de la défaite ne sonnera pas. Les liens, les solidarités et les formes de lutte pratiqués ces deux dernières semaines désencombrent l'horizon. Les limites et hésitations que nous avons rencontrées ne nous amputent pas. Au contraire, elles viennent nourrir nos expériences et une histoire commune. Aujourd'hui, comment continuer la grève ? Quels rythmes adoptons nous pour ne pas s'épuiser en quelques jours ? Comment peuvent faire grève ceux qui n'en n'ont même pas la possibilité ? Quelles cibles envisagées ? Quelle coordination pouvons nous mettre en place ?

Pour toutes ces questions, nous appelons à une coordination régionaleinter-professionnelle dimanche 7 novembre, à partir de 10h30. Cette invitation s'adresse à tous ceux – syndiqués ou non syndiqués, salariés,chômeurs, lycéens, etc. - qui veulent penser ensemble comment continuer la grève.


Jusqu'au début du mouvement contre la réforme des retraites, un sentiment général d'impuissance n'a pas cessé d'accompagner les dernières grèves. Rien d'étonnant quand les dispositifs législatifs (service minimum, préavis de grève obligatoire, etc;) et la frilosité des bureaucraties syndicales s'accordent pour vider la grève de sa portée conflictuelle, de son caractère d'arrêt de la production, pour n'en retenir qu'une formes ymbolique.
Ces deux dernières semaines, quelque chose a changé. Ce sentiment d'impuissance a désormais cessé. Le mouvement anti-CPE de 2006 avait diffusé le mot d'ordre de « blocage des flux », la grève générale de 2008 en Guadeloupe l'a pratiqué à l'échelle d'une île entière. Et, aujourd'hui, le blocage se répand comme la forme de lutte minimale rendant à la grève sa puissance et son effectivité : la suspension,l'arrêt de la machine économique.
Au blocage s'ajoutent des pratiques presque oubliées. Alors que le capitalisme nous démunit de toutes solidarités et organisations collectives, nous isole par une gestion de la crise toujours plus draconienne, la grève a été l'occasion de gestes communs. Il s'agit des assemblées inter-professionnelle pour partager – par-delà les corporatismes et identités socio-professionnelles – nos analyses de la situation et coordonner nos actions, des caisses de grèves pour s'entraider financièrement, des cantines de grévistes alimentées par des paysans en lutte, l'occupation de locaux vides pour doter la grève d'une Maison commune et imaginer conséquemment comment faire durer la grève.

Ce mouvement de grève est né de la contestation de la réforme des retraites et annonce une série d'autres (réforme sur la sécurité sociale, sur le chômage, etc.) qui feront de nos vies un plan d'austérité. Dans les manifestations, devant les piquets de grèves, sur les actions de blocage, beaucoup se demandaient si nous laisserons la rationalité économique broyer toujours plus nos conditions d'existence.

Pourtant rien de cela n'a pu empêcher la reprise du travail. D'un côté, les centrales syndicales ont refusé d'assumer le rapport de force en appelant à des journées d'actions nationales très espacées. De l'autre, un sentiment d'épuisement a gagner les grévistes confrontés aux tentatives médiatiques, politiques et policières de remettre le pays en marche. Logiques tentatives quand ce qui éclate aux yeux de tous c'est l'évidence que les savoirs et capacités réels d'arrêter l'économie sont aux mains des grévistes.
Les raffineries ont su donner le ton. Désormais, nous savons que le nerf de la guerre se situe à l'endroit des infrastructures logistiques et des flux économiques qui nourrissent le pays. A l'heure où la crise est utilisée pour nous rendre toujours plus productifs, une des forces de cette grève est d'éprouver collectivement que nos connaissances partagées nous donnent les possibilités de tout arrêter.
Ce que nous créons depuis deux semaines – les liens, les solidarités, les formes de luttes, ne sont pas à laisser à eux-mêmes sous prétexte d'un retour au travail. Puisqu'ils sont la matière de nos victoires à venir. S'en ressaisir et les faire grandir s'imposent à quiconque croit et veut imaginer d'autres possibilités que cette réalité capitaliste.

A Rennes, c'est dans cette perspective que nous occupons la Maison de la Grève. Ces deux dernières semaines nous ont inscrit dans un processus qui ne cesse pas aux premiers signes d'essoufflement. Si nous étendons et densifions ce qui est né depuis le début de cette grève, nous n'aurons pas à attendre la prochaine réforme pour tout recommencer. Au contraire, nous pouvons être en mesure de décider de nos propre rythmes, de choisir quand et comment continuer l'offensive.

Suite aux différentes assemblées inter-professionnelles de Rennes, trois pistes de réflexions sont proposées pour se donner des perspectives de luttes communes :
1/ Il nous faudrait enquêter pour établir une cartographie des flux, secteurs et entreprises clés de l'économie rennaise. Ces connaissances techniques nous donneraient les moyens de la bloquer effectivement. Cette dynamique pourrait être reprise dans chaque ville et nous permettre de cordonner des actions entre plusieurs villes.
2/ Ne pas arrêter veut dire rendre effectif les pratiques de solidarités directes qui ont commencé à se mettre en place. Pérenniser les caisses de grève, l'approvisionnement pour les cantines de grévistes et réfléchir aux autres structures dont nous aurions besoin pour faire durer la grève. Ce processus n'est possible que si nous nous attachons à multiplier les complicités entre personnes de divers secteurs et si nous recherchons ensemble comment peuvent faire grève ceux qui n'en ont pas la possibilité directe (des pistes commencent à fleurirent : techniques de coulage, grèves tournantes au sein d'une même boîte, blocages tournants grâce aux
coordinations avec d'autres secteurs, etc. ).
3/ La Maison de la Grève est un outil pour se doter d'un imaginaire commun. Nous entendons pas là des moments de débats, de films, de séminaires pour échanger sur ce que nous voulons, inventer d'autres horizons et d'autres manières de vivre plus désirable. A la maison de la Grève et dans d'autres endroits en France des nouvelles pratiques et formes d'organisations sont expérimentées. Leur donner de la consistance et les répandre est une arme indispensable pour une mise en échec pratique et politique du pouvoir.

-L'assemblée inter-professionnelle de Rennes-

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